Oui mourir, mais de mort lente…
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Pour la dix millième fois ce matin, je trouvais ce mot allongé dans l’article d’une gazette, raide, sans vie, totalement froid.
Voilà le vocable, le plus maltraité de la langue française. On peut même affirmer, sans trop de risques, qu’il bat tous les records du galvaudage. Presque dans tous les cas, à plus de 90 %, il n’apparait qu’affublé du sens qu’il n’a pas, celui du trépas.
Sans doute victime de sa connotation phonétique qui évoque la mort, on l’utilise en lieu et place de macabre, mortifère ou mortel.
Les journalistes en usent à tort et à travers en ignorant qu’un comportement à caractère morbide est un comportement de malade. Qu’une obésité morbide est une obésité possiblement devenue irréversible et donc maladie chronique. Une obésité qui ne conduit pas forcément à la mort à brève échéance.
Les synonymes de morbide sont nombreux à des degrés divers, il n’est jamais question de mort : malsain, pervers, pourri, pathologique, insalubre, maladif, frelaté, contagieux… Du latin morbidus, morbus qui signifie maladie.
A force de le rencontrer sous la forme létale qu’il n’a pas, on va finir par le dénaturer voire le tuer pour de bon. Le langage banal qui ne se soucie guère du sens des mots, va l’emmailloter comme le ferait une araignée avec sa proie, puis le digérer pour le transformer définitivement en idée de mort. Seuls, ceux qui ont encore le réflexe dico connaitront son sens véritable mais n’oseront plus l’avouer de crainte de passer pour des malades. Des puristes morbides.
Nous n’assisterons sans doute pas aux funérailles d’un vocable maltraité, éreinté, étranglé, étouffé, effacé … cela se fera en douceur, de manière sournoise, sous l’effet d’un langage constamment dévoyé. Il s’éteindra puis renaîtra autour des cercueils ou parmi les cadavres… Il ne pourra même pas se retourner pour gémir en un dernier râle… et accuser : « la galvaude m’a tuer ! »
Cher lecteur, peut-être contribuerez-vous à traiter cette maladie pour que le morbide ne perde toutes ses couleurs, définitivement. Merci docteur !
Quand le bois mort survit dans les esprits. (Pour le plaisir et l’imaginaire)