Je ne savais pas…

C’était un matin blême, un matin d’hiver, un matin de Noël.
La gare de Lyon était déserte, le jour se levait à peine.
Le train faisait défiler le paysage, ce n’étaient pas mes arbres, ce n’était pas ma vallée.
Je m’étais enfui sur les chemins de mon enfance.
Un rêve long, mélancolique presque prémonitoire.
Le wagon était vide, je crois, je n’ai vu personne.
Déjà, je gambadais chez moi au fond de ma Navaggia.
Je revisitais mes jeunes années.
J’étais parti voir mon père, c’était urgent et sans doute une dernière fois.
Mon frère m’attendait sur un quai de gare.
Saint Charles grouillait de monde, la fourmilière s’activait.
La nuit tombait, le bateau flanquait le quai et ronronnait d’impatience.
A peine avait-il culé pour se détacher de la terre continentale mon frère me regarda et me dit :
– C’est fini, il est parti.
Quelqu’un a zippé le sac noir, j’ai vu son visage d’un calme sidéral, c’était la dernière fois.
Je ne savais pas.

C’était un jour d’avril, je crois, le printemps nous annonçait l’arrivée de notre premier enfant.
A quinze heures tapantes, j’avais fermé à clé la porte de ma salle.
Totalement coupé du monde, isolé dans un coin des Yvelines, je m’étais envolé par-dessus les nuages.
Grand-mère s’en était allée, je l’accompagnais vers sa dernière chaumière souterraine.
J’ai vu les gens, je suivais son cercueil tout le long du parcours, j’ai jeté ma poignée de terre.
Incognito, à côté d’elle.
En sortant de ma salle, une heure plus tard, personne ne savait que je revenais de loin, que je rentrais de funérailles.

C’était un jour tranquille.
En quelle saison ? Je ne sais plus.
Un sanglot avait étouffé ma voix, j’ai raccroché rapidement.
Tante Marie la bien nommée avait rejoint son paradis, à la rencontre de son Dieu qu’elle célébrait tous les matins et toutes les nuits.
Elle attendait ce grand jour.
Son départ fut serein, m’a-t-on dit.
Elle s’est éteinte dans son sommeil sans prévenir personne.
La porteuse de télégrammes à domicile avait oublié de m’envoyer un petit bleu.
Elle était mes jours heureux.
Je ne savais pas.

Pour grand-père, je savais, pour mère aussi.
Vous trouverez le récit de ses derniers moments de vie dans mon prochain ouvrage « Une lueur dans la brume« .
C’est elle qui en fait la longue et douloureuse ouverture.
Dans cet ouvrage, je vous invite à trouver la lueur qui point dans l’écume, le brouillard et la tristesse des jours, une lueur qui vous aspire à la vie.

Ce texte n’y figurera pas, chaque passage sera plus détaillé, toute une vie rassemblée à chaque récit.


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