S’il est une personne qui portait à merveille son mignon petit sobriquet, c’était bien elle.
Une dame douce, discrète, toujours avenante et agréable à rencontrer dans les rues du village.
Elle était la « Nounou » de tous et de chacun. Tous la disaient paisible et chacun saluait son sourire.
La seule fois où je l’ai vue un peu assombrie, agacée en fronçant les sourcils, c’est le jour où elle est venue droit vers moi pour me saluer. Je ne l’avais pas reconnue après une quarantaine d’années sans la voir. Remarquant ma surprise, elle m’adressa :
– Ùn mi ricunnosci piu ! S’hè scimitu ! Tontu o u faci ?
(Tu ne me reconnais plus ! Tu es devenu fou ! Fou ou tu le fais ?)
Dès que son sourire balaya son inquiétude, son visage me parut familier, je retrouvais la « Nounou » que je croisais tous les matins en allant à l’école. J’habitais à la sortie du village, sa maison était à quelques dizaines de mètres sur mon chemin.
Je me souviens de François, son époux, pour des raisons très personnelles, je me souviens de la construction de leur bâtisse dont le tas de pierres de taille faisait office d’aire de jeu pour le gamin que j’étais.
Je tenais à saluer sa mémoire, à minima.
Aujourd’hui 3 juin était jour de funérailles au village.
Nounou rejoignait son mari, les villageois étaient venus la saluer une dernière fois au point habituel, l’église Saint Nicolas.
Nous l’attendions sur la grande place lorsque, juste après 11 heures, nous vîmes apparaitre le cortège au virage de la fontaine de Vichy.
Son cercueil cheminait sur les épaules des porteurs.
Convoyée depuis chez elle, jusque sur la Piazzona, à l’ancienne comme on dit chez nous.
Le cortège avançait vers l’église, paisiblement, à pas mesurés, récapitulant ainsi, le résumé de son chemin de vie.
Que ton âme te conduise là où tu voulais aller…
Longtemps encore les rues du village se souviendront de toi.