C’est ma lubie actuelle, pas tant lubie car dès l’adolescence, je parcourais les ruisseaux de montagne par tous les temps… Je prenais des risques inconsidérés pour traquer la truite alors que je ne savais pas nager. Tout pouvait m’arriver lorsqu’accroché à une paroi à l’aplomb d’un lac profond, je franchissais un passage difficile. Il m’arrivait de balancer canne et musette sur l’autre rive et me jeter à l’eau pour traverser le torrent à la nage sauvage, peu académique. Je me débattais pour braver le courant…
J’étais tout seul, loin du monde, à plusieurs kilomètres du village, perdu dans le maquis.
En ce moment, je marche comme si je remontais le cours de ma vie et rêvais.
Certes, je parcours des chemins forestiers pépères, mais le goût du risque me rattrape. Je ne peux m’empêcher de sauter, sauter est bien grand mot, de rocher en rocher, afin de choisir un angle pour mon cliché. Avec la quincaillerie installée dans ma hanche, à tout instant, l’articulation peut lâcher… On dirait que je n’ai pas conscience du danger et pourtant si. Je sais ce que je fais, je sais que le risque existe et toujours, je m’en sors.
Je sens mes limites, mon corps me les rappelle… Un jour, je vais faillir. L’attention moins en alerte, ce sera l’imprudence de trop.
Finir sa vie dans la forêt, loin du monde me rappelle le seul livre que j’ai tenté de lire : « Igloos dans la nuit ». Une vieille inuit, sentant sa fin venir, abandonnait les siens et s’en allait mourir sur la banquise.
Je ne rêve pas de finir ainsi, mais cette image est le lien que j’ai tissé avec le lire.
Ce « lire » qui a hanté toute ma vie.
J’ai été ce non lecteur qui entrainait les enfants vers la lecture, en leur promettant la liberté de l’esprit…
Bientôt, j’espère que cela ne tardera plus, vous comprendrez comment ce parcours de vie a pu tant me marquer « A l’ombre de l’école »…