Chronique au coin du feu.
Passer de la mimolette au cocon, de la dérision à la nostalgie, il n’y avait qu’un pas, c’est vous dire si l’esprit vagabonde et ne se soucie guère du coq à l’âne !
Minuit n’est plus très loin. L’âtre s’est assoupi.
Une couette grise, molletonnée mais légère a recouvert les tisons endormis.
Un charbon, encore incandescent sous la cendre, a cédé. Il s’est cassé net…
Une gerbe d’étincelles s’élève dans la cheminée, le spectacle pyrotechnique est fugitif.
Un bref crépitement, deux petits jets vifs. Le cœur de la braise s’anime, devient rouge brûlant, une petite flamme bleue fuse imitant faiblement le chalumeau. La flambée, doucement, s’active. Quelques autres tisons, déjà mordus par la combustion, rognés jusqu’au leur moitié, s’affaissent sur le nouveau brasier et reprennent vie, progressivement. Des danseuses ibériques « flamenquent » dans l’âtre. La chaleur est douce, la lumière faiblarde, un calme ondoyant s’installe dans la chaumière floutée par la pénombre.
Deux visages burinés, dont les rides dessinent quelques arabesque folles, absorbés par le spectacle d’un feu de bois, se penchent vers leurs souvenirs qui s’animent au cœur de la cheminée..
On dirait que mes aïeux s’ignorent, chacun absorbé par ses pensées.
Grand-mère, sans doute plongée dans les profondeurs de son passé, esquisse un sourire adressé aux anges. Elle hoche la tête, légèrement. On dirait qu’elle va parler à l’absence qui l’environne, ses lèvres ont frémi mais elle n’a rien dit d’audible. Un murmure adressé à ses jeunes années. Ses yeux sont remplis de malice, un moment joyeux de sa vie semble chatouiller sa mémoire.
Grand-père somnole. Non, il rêve aussi.
Machinalement, il s’empare du tisonnier et farfouille dans les braises.
Sortie de son évasion lointaine, Battine fronce les sourcils.
Sylvain vient de brouiller son décor onirique, elle le bouscule mollement en lui secouant l’épaule. Un reproche fugace… tous les deux se replongent dans leurs vieilles images.
Allez savoir vers quel voyage, ils se sont envolés. Ces choses secrètes ne se disent pas. Ces pensées intimes, on les garde pour soi, on revisite ses souvenirs.
La solitude, nous invite au songe, en totale liberté, nous roule dans les sourires d’une vie dépassée.
– Tu as parlé ?
– Non, j’ai toussé.
– Ah ! Je croyais que…
– Non, non, je suis fatigué…
– Va te coucher.
– Non, je me repose…
Ils réagissent au moindre bruit qu’ils prennent pour parole. Ils sont ailleurs.
La conversation est de courte durée. Ils n’ont rien à se dire, c’est le moment des pensées intimes venues du fond de l’âge. Ces moments perdus continuent à traverser les ans, cachés dans un coin de la mémoire, ils surgissent par surprise pour décrocher un sourire réparateur.
Grand-père, se gratte sous la casquette. Ses cheveux d’ordinaire bien rangés sous la gâpette, dépassent en broussailles, c’est un signe, il est l’heure d’aller au lit.
Grand-mère a posé son front contre le dos de sa main agrippée à la cheminée, elle ira dormir plus tard, c’est elle qui éteint les lumières.
Demain, elle sera debout avant les autres.
Les nuits étaient silencieuses, le moment était aux profondeurs de soi, comme un spéléologue va sonder l’obscurité de galeries souterraines.
Aujourd’hui, la télé nous invente des vies qu’on ne connait pas… la vie des autres.
On rêve l’inconnu et on oublie de finir nos moments inachevés que naguère on recouvrait de cendre.
En soufflant dessus pour les débarrasser de la couche protectrice, durant leurs vieux jours, mes aïeux finissaient de les comprendre…
C’est dans ce cocon de chaleur douce que, chaque hiver, je médite au coin du feu.
Bonjour,
Le temps s’envole , les souvenirs demeurent prolongeant la vie passée de nos ancêtres . Les cendres de nos disparus recouvrent leur ❤️ l’amour ardent pour toutes choses . La cheminée coeur de la maison .💝
Tout passe .
Merci pour ce souvenir Simonu .
Bonne journée .
🙂