Mariage de saison.

Est-ce un mariage de raison ?
Je l’ignore, je n’ai pas encore goûté, cette compote doit séjourner un peu au frigo.

L’idée a surgi incidemment.
Je venais de récolter à la hâte des fruits épargnés par les geais et malmenés par la canicule de cette année.
Epargnés, n’est pas pas le bon mot, en fait ces fruits étaient en attente d’une prochaine attaque, ce n’était que partie remise. Les plus belles figues, les plus grosses, étaient à moitié saccagées, elles présentaient des cavités béantes sur le galbe ventru des fruits qui ne tenaient sur l’arbre que grâce au pédoncule, lui aussi, à moitié arraché.
Les geais ne sont pas allés à l’école pour apprendre les bonnes manières.
Ce sont des Attila, une armée de Uns qui rafle tout sur son passage. La vie est dure pour tous en cette année catastrophique au jardin. Tout y passe et le raisin qui n’avait jamais été attaqué, du moins de la sorte, voit ses grappes aux grains faméliques, présenter des rafles devenues squelettes, des fantômes suspendus à la vigne.
Même les jujubes, pourtant encore verts, sont décrochés à coups de bec frénétiques puis avalés tout de go.

Point besoin d’état d’âme écologiste pour expliquer la situation.
Je crois que je vais définitivement renoncer à mes plantations, abandonner mes arbres fruitiers plantés pour les générations futures. Je n’ai plus la volonté de jouer au Don Quichotte des jardins qui se bat contre les geais des chênes. Ils sont légion, qui ont élu domicile à deux battements d’ailes du verger. Ils résident à l’année dans les chênes verts avec un restaurant ouvert en permanence et visible par la fenêtre de leur chambre à coucher.
Inutile, d’accrocher des CD, des calicots multicolores pour les effaroucher, une fois la surprise passée, ils viendraient presque écouter la musique ou jouer aux cariocas enrubannés dans la frondaison d’un arbre aux airs de Rio. Les épouvantails les font jaser, friguloter ou cacarder de plaisir.
Même s’ils étaient des « épouvantaux » plus sévères encore, ils cajoleraient.

Le corvidé n’est pas le seul responsable, il y a les merles aussi, qui s’empiffrent de bon matin.

J’imagine que vous êtes impatiente de connaître le mariage de saison. Très peu d’hommes lisent mes élucubrations c’est la raison de mon expression féminine.

Eh ben voilà, comme mes fruits chipés à la hâte n’étaient pas très beaux à présenter, les brugnons étaient petits, menacés par la moisissure et surtout acides à cause de leur maturation forcée et inachevée, j’ai tenté un mariage avec les figues en espérant que les marisques douces et sucrées contrebalanceraient l’acidité des drupes « brugnonnes ».

J’ai donc tenté une compote presque confiturée, sans apport de sucre.
Si j’en juge par le bouquet qui montait de la casserole, un mélange de parfums de pêche et de figue, cuites, il me semble que l’union sera parfaite.
Une sorte d’harmonie sinusoïdale, ectoplasmique et dansante, s’élevait de la casserole, offrant ses saveurs sucrées presque safranées, très légèrement muscadées, à mon sens olfactif largement attentif.
Et pourtant, je n’ai rien offert à ce mariage en espérant qu’il fût au moins de raison.
Je crois qu’à la dégustation de cette douceur à peine sortie du frigo, fraîche et surprenante, pimpante aussi, nous tomberons tous en amour !

De cette infortune, j’aurais au moins goûté au plaisir du récit, à la joie de l’écrit en folie, tout guilleret de jouer avec les mots.

2 Comments

  1. Je crois bien volontiers que c’était délicieux 🙂 et puis j’aime bien votre philosophie qui se contente des restes de ces brigands : au moins j’aurais eu le plaisir de l’écrire, ça aussi c’est goûteux 😉

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *