Une ambiance tristounette régnait sur la place de l’église.
Pour rendre l’atmosphère nettement plus joyeuse, je me suis évadé dans l’imaginaire.
Je me voyais encore tout jeune sur la même place à rêver de jolies filles en faisant un choix parmi celles autour des stands de la fête, plus nombreuses que les garçons. A rêver seulement car il ne suffit pas de penser pour que la réalité se produise.
Combien de fois essuyions-nous le fameux « Non pas ce soir, jamais le premier soir ». Cette phrase passe partout permettait de se tirer d’affaire de manière honorable. A ce stade nous savions qu’il n’y aurait pas de deuxième soir non plus. Quant au troisième n’en parlons même pas, nous étions déjà oubliés.
Il devenait évident qu’il ne s’agissait pas de procrastination, pas de remise au lendemain ou à plus tard mais bel et bien d’un refus plus facile à infliger de la sorte. Une manière plus élégante de dire « non ». Nous étions trop jeunes et ne savions pas que le temps précieux s’enfuit.
Aujourd’hui est plus sûr que demain, un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, Ronsard avait bien raison :
QUAND VOUS SEREZ BIEN VIEILLE, AU SOIR, À LA CHANDELLE,
ASSISE AUPRÈS DU FEU, DÉVIDANT ET FILANT,
DIREZ, CHANTANT MES VERS, EN VOUS ÉMERVEILLANT :
« RONSARD ME CÉLÉBRAIT DU TEMPS QUE J’ÉTAIS BELLE ! »
……………………………………………………………………………..
REGRETTANT MON AMOUR ET VOTRE FIER DÉDAIN.
VIVEZ, SI M’EN CROYEZ, N’ATTENDEZ À DEMAIN :
CUEILLEZ DÈS AUJOURD’HUI LES ROSES DE LA VIE.
Pierre de Ronsard un rêveur d’un autre temps écrivait ce sonnet à Hélène.
Si ce n’était un sonnet, il aurait pu transformer son dernier tercet en quatrain en ajoutant un ultime vers :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie
Sans craindre les épines dont vous ferez fi.
Devant moi, le monde se floutait. J’étais bien embarqué, je souriais tout seul et comme certains me le font souvent remarquer, ma moustache frisait trahissant mon long voyage parmi les plaisirs du temps. Hélène m’était devenue familière et m’adressait sa complicité agréable, prête à écouter son ami Ronsard lorsque une grande tape dans le dos me fit sursauter en me tirant de ce rêve éveillé, jusque-là très apprécié :
– Mi ô Simò, chi faci qui ? T’hanni lintatu ? (Que fais-tu ici ? On t’a libéré ?)
La personne semblait heureuse de me voir alors que j’aurais préféré prolonger de quelques instants encore, la compagnie d’Hélène. Le rêve est rompu, je ne risque pas de la revoir de sitôt.
C’est souvent ainsi, lorsque la procrastination n’est pas au rendez-vous, il y a toujours un impondérable pour vous renvoyer à plus tard ou à jamais.
Moralité :
Si la réalité n’est pas au rendez-vous de vos désirs, le rêve trifouille et anime vos plaisirs secrets mais n’en fait pas une réalité.
Extravagance encore ?
Non, une autre manière de sourire à la vie lorsqu’elle semble morose…
Je dispose de pleins d’échappatoires encore intactes et toutes neuves pour le reste de mon temps.

Sans doute !
Les deux images ont été réalisées à partir de roses.
toujours magnifique! %erci,Simon
Merci Rose Marie, bon dimanche. 🙂