Fabrique d’effets pervers.

Pour changer un peu.
camulotInventez une idée nouvelle et tout un cortège d’effets pervers suivra, toujours découverts après coup, quasiment jamais anticipés.
La machine à fabriquer des effets pervers est en marche.
L’idée semble germer d’un bon sentiment. C’est toujours ainsi. Des esprits bien-pensants, persuadés d’être investis d’une mission supérieure au service de la nation, partent en croisade contre l’abstention. Cette nouvelle calamité dans un pays où le droit de vote a été obtenu de haute lutte. C’est d’ailleurs leur argument favori : comment peut-on bouder les urnes lorsque d’autres se sont battus pour que chacun puisse exprimer son choix ? Un argument hautement fallacieux justement parce qu’il semble implacable.
Et alors ? Si l’abstentionniste préfère rester au lit ou filer à la pêche les jours de scrutin n’est-ce pas son droit le plus précieux ?
A qui la faute ? A force de tromper son monde avec langue de bois, promesses intenables ou non tenues, de s’enraciner en politique à ne plus vouloir en sortir, à en faire un métier comme un droit reconductible à perpétuité… nos chers politiciens en perdent le sens des réalités. Ils voudraient nous conduire, tenus par l’oreille, presque manu-militari, jusque dans l’isoloir pour finalement cracher dans l’urne un salvateur et si doux « A voté !». A voté quoi ? Le droit de le tromper lorsqu’on se croit légitime comme un Aladin sorti d’une urne merveilleuse qui donne tous les pouvoirs…
N’est-il pas mieux de rendre le monde politique plus crédible ? A les voir se chamailler, s’étriper à coups de phrases assassines entre camps adverses comme au sein d’un même camp, ces califes qui visent la place du calife et ces sous-fifres qui lorgnent vers le chef d’orchestre bousculent le raisonnable en piétinant au passage tous les porteurs de bulletin.
Les obligés du dimanche électoral pourraient bien se révolter en inondant les urnes de vacheries ou autres noms d’oiseaux griffonnés sur le bulletin pour passer leur rage et dénoncer le vol de leur liberté. Faudra-t-il contrôler les gens à l’entrée des isoloirs pour confisquer le stylo ? Faudra-t-il les fouiller pour s’emparer d’un bulletin préparé à la maison ? Faudra-t-il généraliser le vote électronique pour court-circuiter les graffiti ? Faudra-t-il leur demander de bêler trois fois pour annoncer la sortie de l’isoloir ?
On parle d’amende et salée de surcroît. De passage devant le juge et de prison en cas de récidive assidue. Alors que les prétoires sont engorgés par la délinquance ordinaire, que les prisons n’en peuvent plus, on songe à criminaliser le choix de non voter par conviction personnelle. Sont-ils tombés sur la tête pour ne pas voir les conséquences de leurs calculs minables ?
Ont-ils songé que de nombreux contraints de voter pourraient se retourner contre ces illustres penseurs en votant massivement contre eux ? Ont-ils pensé aux révoltes les jours d’élections avec des grèves ciblées ?
Et savez-vous quelle est la meilleure idée sortie de leur urne creuse ? Condamner les plus récalcitrants à ne plus avoir le droit de voter pendant dix. Sont-ils bêtes à ce point ? C’est leur rêve et chercheraient à le faire reconduire à perpétuité pour avoir enfin la paix. Ne plus se préoccuper de leurs inconséquences et passer à autre chose.
Il y a les effets pervers prévisibles déjà sur la table et puis les autres que les petits malins ne manqueraient pas d’inventer.
Surtout ne touchez pas à notre liberté de ne pas voter, il pourrait vous en cuire.
Je n’irai pas voter pour vous et si on m’y conduit comme un délinquant prié de faire son devoir de citoyen… Je le ferai en barbouillant vos quatre vérités sur le bulletin.
Cela mettra un peu d’ambiance au moment du dépouillement lorsque des milliers de Coluche auront l’opportunité de se trouver quelque talent pour vous tourner en dérision. Voilà un effet positif, se découvrir l’âme d’un humoriste qui sommeillait.
Le jour où le monde politique aura balayé devant sa porte, le jour ou des parvenus ne se prendront plus pour des dieux, le jour où la sincérité, la lucidité et la droiture domineront les assemblées… Tous les électeurs seront de retour le cœur rempli de joie pour faire claquer les urnes et faire chanter le préposé à la machine magique, tout fier de lancer : « A vraiment voté ! »

 

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