Aujourd’hui, je jetais un œil sur ma page Facebook – Ne vous inquiétez pas, je l’ai retrouvé – et j’ai vu une pub qui faisait la réclame d’un stylo avec un embout en caoutchouc pour que l’enfant le tienne correctement.
Savez-vous que je suis probablement à l’origine de cette trouvaille ?
J’exagère, sans doute !
A la fin des années 70, je pratiquais la rééducation de la dysgraphie dans les CP.
Les maîtresses, pas toutes évidemment, ne se souciaient guère de la prise en main du crayon pour ne pas traumatiser l’enfant ?
C’était très à la mode : « Mon chéri ne t’inquiète pas, tiens le crayon comme tu veux ! »
Dans les maternelles, certaines enseignantes se préoccupaient de faire avancer la lecture au risque d’entrechoquer les pratiques et les méthodes qui pouvaient changer en entrant au CP et embrouiller davantage les plus perturbés.
Je les mettais en garde contre cette vision fantaisiste, on ne joue pas avec la difficulté devant les premiers apprentissages et la prise de très mauvaises habitudes.
Agissant ainsi, on aggrave, complique ou retarde les progressions.
Lorsqu’on débute en équitation, en menuiserie, que sais-je encore, on ne dit pas fais comme tu veux. Les apprentis se familiarisent d’abord avec les bonnes habitudes.
Je voyais des enfants qui tenaient leur crayon en poignard, d’autres entre majeur et annulaire les privant ainsi de la finesse de l’index qui conduit le stylo. Certains avaient la tenue molle, bref, le sujet n’intéressait que très peu les artistes de l’enseignement olé olé.
Sachant que je me heurtais aux nouveaux pédagogistes qui se prenaient pour des psy à la science infuse, les ravages étaient nombreux. Certains élèves se retrouvaient en primaire face à l’apprentissage de la lecture avec, en prime, le suivi individuel pour apprendre à écrire correctement sur une ligne et être lisible. C’était surcharge de travail pour des enfants déjà retardés dans les apprentissages ordinaires.
On chargeait le baudet.
J’avais trouvé une astuce pour intriguer et amuser la galerie, afin de ne plus passer pour un enquiquineur rabat joie.
J’entourais la partie finale de leur crayon de pâte à modeler et je leur demandais d’exercer une pression avec les doigts positionnés correctement après les avoir placés moi-même. Avec cette empreinte personnalisée, l’enfant tenait correctement l’outil scripteur comme on dit aujourd’hui, poursuivait l’écriture en s’adaptant aux bons gestes. Cela amusait les apprentis, ils me demandaient la pâte à modeler à chaque fois, de sorte qu’après quelques séances et exercices du genre, la prise correcte s’effectuait automatiquement.
La prise devenue réflexe, ne constituait plus une galère pour ceux qui venaient en rééducation.
Début des années 80, je signais un contrat de 20 années chez Fernand Nathan, j’avais suggéré la création de ce genre de stylo en précisant que la pâte à modeler avait l’avantage d’imprimer la prise personnelle adaptée aux doigts de chacun.
C’est donc resté idée morte, évidemment !
Petit personnage, petite idée…
M. Dominati va chercher de ces choses… Trop compliqué le monsieur.
Vous avez compris maintenant ?
Monsieur Dominati n’avait oublié qu’une chose : la pâte à modeler ne coûte presque rien et peut resservir à l’infini. L’idée, toute géniale qu’elle soit, si elle ne rapporte pas de fric n’est jamais prise en considération.
Triste monde.
Oui, j’ai eu la même mésaventure avec la « machine universelle du S » qui permettait aux enfants de savoir instantanément s’il fallait un ou deux S quelque-soit l’endroit du mot.
Ils la trouvaient géniale mais ils voulaient une panoplie sur plusieurs règles de grammaire, sauf que le principe variait à chaque fois.
J’en avais inventé 7 – un peu contraint – ils en voulaient 10. Pourquoi 10 ? Parce que 10 est un nombre vendeur.
Ma machine – d’une dizaine de centimètres – avait été inventée en réponse aux difficultés rencontrées sur le terrain, les autres étaient forcées, j’avais de l’imagination 😉
Au bout d’une semaine de pratique, les enfants dégageaient eux-mêmes la règle.
Pour le stylo, j’avais préconisé une matière souple qui gardait l’empreinte une fois imprimée.
C’est vrai que c’était pour vendre, surtout, et non dans l’intérêt des enfants.
On me demandait mon avis sur des jeux, certains très bien conçus sur le principe présentaient un contenu absolument sans intérêt pour l’effet pédagogique recherché.
Par exemple pour mon jeu « Du matin au soir » (notion de temps et de chronologie à la maternelle) je demandais des dessins sans parasites, dont l’idée recherchée apparaissait immédiatement – les enfants étaient déjà en difficulté, inutile de les embrouiller davantage – ils faisaient de « l’accrocheur » du beau et s’éloignaient de l’effet visé.
Voilà, voilà…