Le blues des fontaines…

Une ode à l’eau.

Croyez-vous qu’un jour, un jour lointain, renaisse l’allègre gazouillis des gargouilles abandonnées ?
Jadis, par des sillons tracés à la houe, entretenus, nettoyés à la faucille, l’onde paisible serpentait guillerette vers les bassins en contrebas. Son joyeux « frissouillis »*, ses vocalises printanières, accompagnaient, tel un fifre léger, sa folle envie de filer aux jardins. Sur son parcours, le cresson y était abondant, la menthe sauvage dont l’argus bleu visitait les inflorescences odorantes, embaumait les environs. 

On dirait que l’eau n’a plus soif de vie.
Elle musarde sur les routes goudronnées, se perd sur une pente et divague. Freinée par les broussailles, elle erre et cherche son antique chemin.
Parfois dormante, elle bave une vase glauque et gluante.
Plus vive, elle plonge dans une buse empruntant un passage souterrain qui la conduit plus vite à la rivière.


Pouah ! Lâche-t-elle. J’aimais mieux les potagers, glisser entre l’ail et les oignons, me fondre au pied des tomates, envahir les poquets de courgettes et puis m’infiltrer dans le sol pour abreuver le monde végétal. Je me souviens, dit-elle, de Funtanedda. A l’approche de midi, en plein mois d’août, les enfants se précipitaient autour de ma gargouille pour remplir les cruches d’eau fraîche, comme sortie d’un frigo. C’était la même joie à Vitalbettu, Castaldaccia, u Paradiseddu, tous endroits de vie et de rencontres journalières à la saison des martinets.
Vichy ! Ah ! U Funtanonu ! La vasque baignait des pieds nus après les tournois de foot à Ciniccia. Les joueurs venaient se laver, se préparer afin d’être proprets pour le bal sur la Piazzona.
Je voyais Rose qui venait avec son seau, souvent. Et puis Charlotte, les Angèle, Nunziata, Maria et même Siki qui faisait boire son âne Roland après avoir balayé les rues du village.
Chi bedda vita di funtana e chi mondu si vidia !

Dans chaque quartier sans source naturelle, trônaient les « artificielles » en fonte, il suffisait de leur tordre l’oreille pour qu’aussitôt, elles se décident à remplir un bidon, une bonbonne, una zucca*…

Croyez-vous qu’un jour, un jour lointain, revivent tous ces jardins perdus ?
Que l’eau abandonnée retrouve une raison de courir, qu’au lieu de tristes vagabondages, franchisse à nouveau les barrières des potagers ?
 Allégretto, sur un joli tempo, s’en aille chanter au pied de chaque légume, encourager le cerisier, le pêcher, le pommier, le poirier… se répandre puis se mêler à la terre nourricière pour engendrer la vie ?

Le croyez-vous ?
Rien n’est perdu, un jour peut-être, la raison reviendra dans nos têtes…
Houes, bêches, serfouettes, serpes et serpettes, faucilles et fourches, tous ces outils oubliés dont on ne connait même plus le nom, redevenus d’usage quotidien, ouvriront à nouveau des chemins…  

Les fontaines sont tristes.
Dans nos villages, on passe sans un regard pour elles, on les ignore. Quelques touristes en mal d’images anciennes leur demandent risette à travers le viseur d’un appareil photo, le vent s’en mêle et mouche le jet pour une image plus souriante.
Clic ! C’est dans la boîte mais elles chantent pour rien.

Et pour une photo, le vent la mouche !
Surbudda. (Sorbollano)

*Frissouillis=mot inventé pour évoquer le chant de l’eau qui file au jardin.
*Quelle belle vie de fontaine et que de monde voyait-on !
*Zucca=gourde confectionnée avec un cucurbitacée poussé à maturité extrême pour obtenir une coque bien dure et résistante.

U Paradiseddu (Le petit Paradis)
Sa gargouille.
Castaldaccia.
Fontaine de Mela (On lui tord l’oreille)
U funtanonu di Livia. (La fontaine de Vichy)
Jadis, Rose y venait puiser l’eau.
Vitalbettu à Levie.
Serra di Scopamèna

7 Comments

  1. Mouais, c’est bien triste…
    Un jour peut-être, quand les gens en aurons marre d’un monde factice, mais qui veut ecore se pencher sur la terre ? Je connais une famille t elle n’est pas la seule, où le gamin voulais retourner au village pour travailler la (sa) terre, que l’on a forcé à rentrer dans la banque « c’est quand même plus valorisant » disaient-ils.

  2. salut simonu comme tu a raison d’avoir fait une ode aux fontaines et de me replonger dans de bon et beau moments de la belle vie insouciante de ma jeunesse et comme c’était rafraichissant et joyeux d’être le témoin du chant des fontaines et de jouer avec elles . Il est en effet d’hommage que notre temps ne laisse plus aux personnes le soin de les entretenir et de s’en servir. Que les enfants soit plonger sur leurs smartphones plutôt que partir a l’aventure dans le maquis, les forêts et autre endroit magique de notre beau village
    je te remercie pour tes articles et les photos continue de nous faire rêver
    bises marie-lise

  3. Un texte comme je les aime
    (qui, en plus, ramène à ma mémoire, mes promenades avec ma grand-mère, été comme hiver…)
    Merci pour texte et photos.
    A bientôt.

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