Par les temps qui courent, l’heure est plus à fustiger qu’à s’amuser. Il y a des périodes comme ça où tout va de travers et que l’humeur n’est plus à la légèreté.
L’éclairage porté par l’Assemblée sur « faut-il condamner ou non les clients des prostituées ?» m’a renvoyé quelques dizaines d’années en arrière. Souvenez-vous le texte « Rue Alsace-Lorraine », le temps de l’insouciance, de l’apprentissage et des premiers émois.
Nous n’étions pas des foudres de guerre auprès de la gente féminine et préférions, lorsque la nuit était très avancée, courir la péripatéticienne avant qu’elle ne ferme boutique. Cela nous coûtait cher avec nos revenus inexistants mais ce qui est rare est cher, nous en convenions sans trop rechigner. Le tarif horaire nous semblait très élevé, nous avons compris, un peu tard, que cela venait de notre condition d’inexpérimentés à l’émotion trop vive et beaucoup trop volatile. Les professionnelles le savaient et en profitaient largement : ça faisait cher la minute.
Elles commençaient par nous rassurer un peu mais pas trop, assuraient la toilette préparatoire pour faire monter la pression plus vite dans notre cocotte-minute puis venait rapidement le tour de magie auquel nous ne comprenions rien sinon le fait de partir aussitôt dans les étoiles. L’impression était si marquante qu’elles finissaient par fidéliser. Lorsque les « liens » se resserraient un peu et que la connaissance mutuelle se faisait plus familière, elles maîtrisaient toujours leur art en ne nous envoyant pas trop vite au tapis. Avant le ippon final, elles nous taquinaient crescendo avec koka-kinza, yuko, wasa-ari. De la sorte on avait la possibilité de tomber puis de se relever pour que la prise ultime soit plus belle encore et plus académique aussi.
Nous étions subjugués par le bon côté des choses. Nos chers députés qui en ont vu d’autres ne s’arrêtent plus aux envies bassement émotionnelles, égoïstement jouissives. Ils planent au-dessus de la morale pour faire la leçon à ceux qui, perdus dans le brouillard de leur misère sexuelle ou leur libido trop forte pour être assouvie banalement, ne devraient plus regarder les plaisirs par le petit bout de leur lorgnette. Comme s’ils s’adressaient à des sadomasochistes, ils agitent leur badine à milliers d’euros pour taper là où ça fait mal. Les plus accros y verront un jeu du chat et de la souris encore plus croustillant.
Vous le savez désormais, mon propos n’est pas de savoir qui a tort et qui a raison… c’est de badiner un peu. Et je n’oublie pas que dans certains endroits à la lumière tamisée, on use aussi de la badine pour d’autres badinages. Faut-il en rire ou en pleurer ? J’ai pris le parti de m’en amuser.
Les lois civiques et morales sont au goût du temps, les lois physiques sont immuables et demeurent, parfois, encore inconnues. Les unes se fabriquent ou s’inventent, les autres se découvrent… Ainsi va le temps.