Maman venait de quitter ce monde pendant la nuit.
Sa maison, où nous sommes tous nés dans la chambre froide, voyait partir la dernière personne qui y vivait encore.
Le quartier déjà bien vide, annonçait la fermeture définitive d’une autre chaumière.
Tout un pan de l’histoire de la Navaggia, s’effondrait.
Seules, Catherine et Pierrette rappelaient encore le passé.
Je les aurais nommées les dernières des mohicannes si le mot avait existé. C’est une manière de le dire aussi.
Le temps était aux funérailles, quelques personnes s’affairaient dans la maison pour rétablir un peu d’ordre afin de préparer la traditionnelle veillée des morts qui se prolonge largement après minuit.
Il devait être seize heures environ, Catherine est venue, et s’adressant à nous les enfants de la défunte, elle dit :
– C’est l’heure du café de Rosalie !
C’est une tradition que j’ignorais.
Elle nous a demandé de nous asseoir autour de la table familiale, nous avons engagé une conversation tournée sur le passé. Catherine nous remémorait les moments passés avec maman. Elle évoquait ses derniers jours et ses meilleurs aussi. Nous écoutions religieusement comme si c’était une nécessité, bien que nous connussions parfaitement certains passages.
C’était le moment où une amie intime, parente de surcroît, saluait une dernière fois la mémoire de maman concluant ainsi une histoire, avant d’écrire le mot fin.
Tout était bien fini, le récit figurera dans notre mémoire comme d’autres écrivent dans un journal intime.
Le plus étonnant dans l’affaire, est l’impression que nous eûmes d’une conversation bien orchestrée.
La discussion s’achevait lorsque Jean Simon, le fils de Catherine, se présenta à l’entrée avec un plateau soutenant cinq tasses et une cafetière fumante. Il posa le plateau au milieu de la table sans rien dire.
C’est à ce moment précis que sa mère nous annonça que nous allions prendre le dernier café avec Rosalie.
Jean Simon remplit quatre tasses, la cinquième qui était celle de la défunte resta vide.
Durant un long silence que personne n’imposa puisqu’il intervint spontanément, chacun buvait son café sans rien dire. Quelques regards se croisèrent furtivement, un moment d’émotion difficilement caché, un hochement de tête, un regard rapide vers le plafond, la communion ne dura pas longtemps.
Nous venions de signer la fin d’une histoire.
Il était temps de se remettre à l’ouvrage, ce soir il y aura du monde à la maison…
Photo en titre : Grand-mère et mère (Rosalie) un soir de Noël tristounet.
La tasse, eh oui, un peu comme le fauteuil du disparu qui reste vide sur la photo de famille …
Très belle évocation Simonu.
Bon dimanche Al.
Il fait très frisquet et la neige n’est pas loin. 🙂
Ici temps de mars avec des giboulées et de la grêle ce matin. La mer est déchainée.
Si seulement ce rituel permettait l’apaisement ! bon dimanche Alma et Simonu
Généralement, oui Gibu, comme une messe dite…
Forme et fond, beau texte.
Merci l’ami 🙂