Je vous invite pour une fois à suivre ma pensée profonde qui n’est pas visible dans mes propos habituels.
J’ai une tendance prononcée pour le second degré, la dérision, l’ironie, de sorte que l’on pourrait croire que je suis un histrion plus que quelqu’un de sérieux.
En fait, je suis une personne très sérieuse qui s’amuse beaucoup.
J’adore la vie et je la célèbre dans ses meilleurs aspects en écartant, tant que je peux, tout ce qui encombre l’amour de la vie.
Mon esprit que je dis à sauts et à gambades dans mes moments légers, tend bien plus vers l’esprit scientifique.
C’est Gaston Bachelard qui définit le mieux cet esprit qui ne s’acquiert pas sans lutte.
Voici l’aphorisme qui résume bien cet état acquis plutôt qu’inné.
« L’esprit scientifique doit se former contre ce qui est en nous et hors de nous, l’impulsion et l’instruction de la nature. » G. Bachelard
Si l’esprit scientifique doit se former c’est qu’il n’est jamais acquis de naissance, on n’y parvient qu’au prix d’une double lutte.
La lutte contre ce qui est en chaque humain, l’impulsion de sa nature. Ses sentiments, ses pulsions, son anthropomorphisme c’est à dire juger les faits par des raisonnements emplis d’émotions qui brouillent la réalité.
Contre ce qui est hors de nous, l’instruction de la nature, c’est à dire le spectacle qu’elle en donne. Comment imaginer qu’une bougie qui brûle, un corps qui respire, un clou qui rouille répondent à la même loi de l’oxydation. La rouille oxydation lente, bougie oxydation rapide…
Le spectacle est trompeur, les lois de la nature sont masquées, « Il n’y a de science (de connaissance) que du caché« .
Toute ma vie active, j’ai fonctionné avec cet état d’esprit qui a fait de moi un « chercheur » inlassable et perpétuel. J’ai toujours essayé de comprendre la génèse des difficultés affichées par les enfants en errance scolaire pour trouver les moyens d’adoucir leurs souffrances, à défaut de régler leurs problèmes.
J’ai imaginé, tenté, inventé par l’approche du regard humain, de l’observation plus détachée et de l’écoute avant d’agir.
Evidemment, en sciences humaines, la tâche est plus ardue, moins abordable, approximative souvent avec une plus grande difficulté à se détacher des émotions personnelles comme de celles qui émanent de l’autre.
J’ai toujours eu cette attitude pour une approche sereine.
En prenant de l’âge, rangé de ma vie active au chevet des autres, j’ai pris le large.
Je me suis donné quelques libertés pour batifoler un peu, prendre quelques distances avec le sérieux et me voilà parti sur d’autres sentiers.
Le chemin du sourire permanent qui parle de la vie, avec humour et détachement pour mieux la partager, encore.
J’ai aimé infiniment, intensément, le vivre « ici et maintenant », la beauté d’un coucher comme d’un lever de soleil, les facéties de la lune qui joue avec les nuages, le mystère qui clignote dans les étoiles.
Le clapotis continu d’une rivière, seul au bord de l’eau à deviner la danse d’une demoiselle libellule, à suivre du regard le cincle* qui remonte un cours d’eau en rase flotte avec son sifflement saccadé.
Le parfum entêtant de l’immortelle accablée de chaleur, les mésanges qui zinzinulent, les cigales qui « cymbalisent » et les grillons qui stridulent.
Les martinets, inlassablement tournent au tour du clocher avec des cris aigus, pointus comme la chanterelle d’un instrument à cordes, incapables de se poser à terre…
Et puis s’en aller, en pensant comme Voltaire « Je ne puis songer que cette horloge existe et n’ait point d’horloger« .
Me voilà retombé dans les travers qui éloignent du savoir : s’agit-il vraiment d’une horloge, est-ce vue de l’esprit ou raccourci de l’humain ignorant qui cherche un sens à tout ?
Comparaison séduisante mais fallacieuse…
Que sais-je ?
On s’imagine des choses,
et on part toujours, sans savoir..
Puis vient le moment du savoir, la récolte.
Le sûr, la promesse, l’incertain et toujours une grande part d’ombre…
*Le cincle = oiseau plongeur proche du merle, noir avec quelques plumes blanches qui vit au bord de l’eau et construit ses nids à l’abri d’une cascade, souvent. On l’appelle parfois le « merle d’eau ».
Ou l’art d’exprimer des choses graves sans jamais se prendre au sérieux 🙂
cet oiseau revisité me donne des idées ! c’est bien aussi d’être sérieux, parfois, ça repose 😀 en tous cas les tomates en rougissent de plaisir !
Ce qui est rare, cher Mystère Simonu, et une grâce en soi, c’est de posséder la jouissance de ses deux hémisphères cérébraux. Avoir le bénéfice d’une intelligence scientifique (tout le mystère des sciences humaines) et à la fois, avoir développé celle du Verbe pour servir le récit et la poésie aux racines desquels le sensitif, l’intuitif.
Une belle nature en sorte ! selon vos partages, mise à profit dans la réalité des jours.
De quoi être disposé à des jours heureux à mi-parcours.
🙂