Quelle ne fut pas ma surprise, d’entendre un jour dans une discussion très sérieuse :
- Dis moi, qu’est-ce qu’il est ton médecin ?
- Comment ça qu’est-ce qu’il est ? Je ne comprends pas.
- Est-ce qu’il est pédiatre, oto-rhino…
- ???
- Ben, le mien, il est généraliste. Je lui ai demandé, il m’a répondu généraliste ! Tu te rends compte ? Il est calé le mec !
Que voulez-vous répondre à cela ? Il faut laisser glisser.
Pour cet interlocuteur, le généraliste est le spécialiste suprême qui cerne les pathologies les plus pointues. Spécialiste en tout, ce qui est un peu le cas.
Il ignorait que le médecin de base est un généraliste, multi-praticien pour faire ronronner un peu plus.
Alors là, si je lui avais soufflé multi-praticien, notre ami eut été plus sifflant d’admiration, encore !
Finalement, je me suis ravisé en pensant comme lui, qu’un généraliste est un spécialiste qui s’ignore.
Les consultations sont millimétrées, il ne faut pas l’embrouiller avec des maux multiples. Chaque chose en son temps, si vous avez mal à la gorge, ne lui parlez pas de votre œil qui pleure.
On verra ça une autre fois, laissez le pleurer tranquille, avec un peu de chance, il cessera de larmoyer, tout seul.
Les derniers des mohicans toubibs n’étaient pas comme ça.
D’abord, ils ne rechignaient jamais à passer à la maison pour vous visiter
Ils prenaient leur temps, vous regardaient, vous écoutaient sans montrer qu’ils avaient déjà un diagnostic bien arrêté en tête.
Leur côté psychologue faisait merveille, en vous laissant parler, la moitié du mal était déjà réglée. Jamais au grand jamais, ils ne disaient : « C’est vous ou c’est moi le médecin ? »
Ils ne prenaient point ombrage si vous faisiez quelques pas sur ses plates bandes, connaissant bien leurs patients, j’allais dire leurs ouailles, ils savaient les réconforter avec des mots bien dispensés.
D’ailleurs, je vous assure qu’en voyant arriver le disciple d’Hippocrate dans l’entrebâillement de la porte, toute la maisonnée, inquiète jusque là, était en bonne voie de guérison, sauf cas désespérés et extrêmes, évidemment.
Ils connaissaient tout de la famille et s’ils entendaient tousser dans la pièce à côté, n’hésitaient pas à passer un coup de stéthoscope dans le dos du tousseur, soupçonnant une petite épidémie qui se prépare au foyer.
Ceux d’aujourd’hui, n’ont plus le temps paraît-il comme si les anciens docteurs de famille avaient le pouvoir de rallonger le leur, alors qu’ils avaient toute l’Alta-Rocca à visiter.
Les temps ont changé, on ne pratique plus la médecine à papa, complètement dépassée, il faudra s’y faire et l’on s’y fait déjà.
Le monde n’est plus ce qu’il était et que vous soyez puissant ou misérable, plus personne ne pourra arrêter le progrès.
Le progrès ? Oui, le progrès, au grand regret de ceux qui ont connu la médecine de campagne.
Ceux qui sont nés avec s’en accommodent facilement puisqu’ils sont dans le tempo.
Et si ce n’était qu’affaire de mentalité ? Me croiriez vous ?
Mario le berger disait : laisse courir le poisson dans l’eau, on a toujours besoin de consulter un généraliste, on ne sait jamais.
Plus pragmatique que dogmatique, il philosovait, plutôt branché philosovie que philosophie, gardait les pieds sur terre sans toujours chercher à comprendre chose qui le dépassait.
Dire pour dire sans rien changer lui était totalement inconcevable…
Moralité : Dans la vie, mieux vaut être philosove que philosophe, ça évite les ennuis et laissons filer les choses qu’on ne peut dévier, aller au fil de l’eau ou à vau l’eau…
Il a raison, le zhibou, pas toucher à ce serpent 😉
Autrefois on disait médecin de famille, ils avaient peut-être moins de savoir théorique mais connaissaient leurs malades. Aujourd’hui quand on consulte pour un cor au pied (j’exagère à peine) on ressort avec une ordonnance pour une prise de sang, une radio, un scanner et un tranquillisant.
Et un tranquillisant 😉 pour devenir comme Baptiste !
Ma grand-mère m’avait parlé de ces médecins de famille, qui venaient à la maison, qui visitaient leurs patients à l’hôpital, qui venait rendre visite pour voir si tout ce passaient bien. C’est étonnant, je n’ai jamais connu ça.
Les choses changent, je pense que les jeunes médecins veulent plus de « temps pour eux ».
Magnifique article.
Oui, c’est bien cela, vous êtes né dans le tempo et donc moins sensible que les anciens pour saisir le changement.
C’est comme vous dites, un virement radical du mode de vivre sa pratique médicale et c’est tout le sens de la fin du texte… 🙂
J’ai même connu un médecin surbooké, qui s’attardait à la maison et annotait les analyses pour que j’explique à toute la maisonnée. Des fois restait de minuit jusqu’à nécessaire pour surveiller une pathologie qui pouvait tourner au drame… On dira, il y a le SAMU, la seule fois où nous l’avons sollicité, on nous a signifié de nous rendre à l’hôpital, hélas pas de véhicule à la maison, ni dans le voisinage.
Merci Jaskiers, bonne journée.
Et si la philosovie était déjà philosophie … oh mais quelle prise de tête, celle là !!!
En tout cas, comme vous l’avez récemment vécu, vous pouvez être vraiment mal et n’avoir aucun médecin généraliste qui ne se déplace. Ca c’est la réalité, dure….
Cette évolution du monde laisse beaucoup de gens sur le trottoir, beaucoup ne consulteront médecin que si l’urgence les mène, sans qu’ils aient mot dire, à l’hôpital.
Sans m’étendre sur ma vie, médecins, hôpitaux : le nombre impressionnant de personnes qui pourraient raconter leurs expériences glaçantes qui vous ôtent à coup sûr, toute confiance en la machine. Machine car il y a, comme dans tous les métiers, des personnes en or dans tout ce bordel !
Comme « les temps modernes » de Chaplin, on s’est mis à découper le corps humain pour le productivisme, au mépris des incroyables et formidables, nombreuses interactions qui le constitue.
Dans la médecine traditionnelle chinoise, on ne payait pas son médecin quand on tombait malade : son devoir professionnel était de connaître les équilibres qui évite au corps le dérèglement.
Vive le progrès ! C’est à chaque action que s’écrit l’histoire.
Certains, nous diraient : « Vous êtes encore vivants, de quoi vous plaignez-vous ? »
Alors j’aurai bien d’autres histoires à raconter.
Bonne soirée Sylvie 🙂