Notre villageois Julien s’en est allé.
Je ne l’ai pas connu plus que d’autres au village, je le saluais dans les rues, nous échangions quelques mots, j’étais toujours tenté d’évoquer le passé. Cela l’amusait, que je relate quelques souvenirs dont il avait oublié le fil. Je le regardais, un instant souriant, perdu dans le vague, il se souvenait à la faveur de mon évocation.
C’est ma marotte, j’aime bien revenir sur nos jeunes années et j’ai gardé de lui un souvenir de jeunesse.
C’était au temps des mémorables tournois de foot qui mobilisaient tout un village.
L’Alta Rocca était en ébullition, Tallano, Quenza et Aullène, comme Lévie, bataillaient pour conquérir les trophées estivaux.
Nous nous entrainions au stade de Ciniccia bien avant le retour de la diaspora.
Nous étions très affutés capables de tenir un marathon tant nous courions à longueur de journée.
Point besoin d’entraîneur, ni de temps de chauffe, nous ignorions tout des mises en conditions préalables à une compétition, nous étions toujours prêts à faire face sur notre terrain de foot.
Chacun, à l’image de l’indestructible César, faisait de son mieux pour porter très haut les :
– Et l’ASL oui, oui, oui et l’ASL, non, non, non, ne périra pas ! (ASL = Association Sportive Lévianaise)
Nous capitulions pourtant, malgré nos chants guerriers.
C’était un plaisir inouï, un amour du village que l’on témoignait balle au pied contre des plus forts que nous. On ne s’inclinait jamais sans avoir tout donné de nos forces.
Julien était des nôtres, lorsqu’il arrivait de Marseille, fidèle à son poste de défenseur droit. J’imagine qu’il refaisait les matches dans ses rêves de jeune lévianais.
Dans son coin de cité phocéenne, il devait arpenter le stade de Ciniccia par la pensée lorsque nous le foulions quelle que fut la saison.
Son retour au village était très attendu. Nous n’avions que des ballons de fortune, souvent rapiécés, parfois un ballon de basket trop grand et trop lourd, sorti de je ne sais où, qui vous assommait au moindre coup de tête.
Nous savions que notre ami villageois viendrait avec un ballon tout neuf comme il le faisait chaque année.
Qu’il était fier les jours de tournoi avec son cuir venu du continent !
Il nous en faisait offrande et cela le réjouissait au plus haut point.
Je me souviens d’un match contre Aullène, équipe redoutable avec ses joueurs de haute volée, l’arbitre venait de siffler un coup franc contre Lévie.
Julien n’était pas du même avis, plutôt très remonté contre le directeur du jeu.
Rageur, il s’empara de son ballon à peine frappé de quelques coups de pied, le mis sous le bras et s’en alla en pestant :
– Le ballon est à moi, débrouillez vous !
Les joueurs de l’équipe adverse se regroupèrent autour de l’arbitre pour lui suggérer d’inverser la sanction :
– Coup franc pour Lévie ! Claironna l’arbitre, le doigt pointé vers la cage aullénoise, accompagné d’un tonitruant coup de sifflet.
Julien revint sur le terrain, planta la balle à l’endroit de la faute, prit son élan et d’un shoot magistral expédia le ballon en direction des buts adverses.
Le match poursuivit son cours et alla à son terme sans autre fait marquant, sinon notre défaite au bout de la rencontre.
Julien, dors sous les temps…
Désormais, bien d’autres ballons se souviendront de toi.
Image en titre : C’était un jour de mois d’août à l’ombre du clocher sur la Piazzona, chacun racontait son anecdote et julien ne manquait jamais de dire la sienne avec son petit sourire malicieux.
Toujours aussi passionantes ces évocations pleines de nostalgie
En écrivant ce texte, pleins de souvenirs concernant le ballon me sont revenus à l’esprit.
Ce sera le thème du jour.
Merci Romain, Bonne journée.
Très touchée par cette évocation de mon papa, pleine de sensibilité et d’humour, à son image. Merci à vous.
C’est en souriant à son souvenir que j’ai tenu à évoquer sous cet angle notre ami Julien.
Bonne suite à vous.
Sincères condoléances et une olà pour ce Monsieur que je ne connais pas mais pour qui, par votre récit, un franc sourire vient en sympathie. Ne pas oublier, raconter, partager, c’est aussi ça l’éternité.
Parfois, je m’interroge sur l’angle que je choisis et toujours en fonction de la personnalité que j’ai saisie.
Finalement c’est reçu comme vous l’avez ressenti.
Il a été partagé des dizaines de fois sur FB, 829 lectures plus que la population du village.