Ou l’art de faire fuir le monde.
Aucune inquiétude à avoir.
En agitant ces épouvantails dans le titre, je ne fais que m’amuser, une fois de plus. Si vous n’êtes pas spécialiste de la terminologie, il y a des chances pour qu’il ne vous reste plus grand-chose au niveau des vocables, en revanche vous saurez que ces phobies existent, sans pouvoir les nommer.
Désigner les phobies comme les collections relève de la haute voltige lexicale. Les noms sont à coucher dehors, imprononçables parfois, et impossibles à mémoriser.
La botanique rivalise avec elles.
Si vous montrez un brin de muguet à un initié, il vous dira :
– Ah ! Tiens, magnifique ce convallaria majalis !
Il ne vous reste plus qu’à déglutir sans faire trop de bruit et répondre sans broncher :
– C’est exactement ça ! Oui magnifique !
Méfiez-vous, tout de même, de ne pas vous embarquer dans un dialogue qui pourrait vous conduire dans un sketch…
Dans la mythologie grecque, Charybde et Scylla étaient deux monstres du détroit de Messine entre l’Italie et la Sicile. Deux dangers mortels pour les navigateurs. En évitant le tourbillon de Charybde, ils fonçaient inévitablement sur Scylla un écueil rocheux tout aussi redoutable. C’est ainsi que naissait, bien plus tard, l’expression « Tomber de Charybde en Scylla » qui signifie éviter un danger pour en rencontrer un autre.
Pour accompagner et illustrer un de mes textes, je dessinais mes deux compères hiboux parlant de POTOMANIE – envie irrépressible de boire beaucoup d’eau – et cela m’a suggéré ces réactions morbides que sont les phobies.
Je rappelle, une fois de plus, qu’il ne faut pas confondre morbide et mortifère, morbidus signifie maladie.
J’ai donc imaginé qu’une personne pouvait souffrir de phobies multiples.
Je me suis limité à deux pour écrire ce récit…
L’anuptaphobe a peur du célibat.
Peur de se retrouver éternellement seul.
Lorsqu’il est effectivement célibataire, il fait tout pour éviter sa condition tristounette et se trouve prêt à n’importe quelle rencontre, du moment qu’elle calme son angoisse.
S’il est marié, parfois avec une personne qu’il n’aime pas puisqu’il a foncé sur la première venue, son angoisse se transforme en peur de l’abandon.
L’idée que son épouse puisse l’abandonner lui devient insupportable au plus haut point.
Un célibataire qui se marie pour calmer sa phobie, risque de verser dans le syndrome « abandonnique », une autre souffrance, et tombe donc de Charybde en Scylla.
Le gymnophobe a peur de la nudité, de se montrer nu devant une autre personne.
Allez savoir pourquoi ? C’est comme ça, on ne va pas toujours chercher une explication à tout, les psychothérapeutes s’en chargeront.
Il y a quelques minutes, j’imaginais la vie infernale d’un pauvre célibataire anuptaphobe réussissant à trouver une compagne pour calmer ses angoisses du célibat, puis une fois marié, devant affronter ses peurs abandonniques et enfin, celles de sa nudité.
Ce serait tomber de Charybde en double Scylla : un véritable calvaire.
Vous l’imaginez les mains posées, en étouffoir à bougie, sur son intime conviction et pestant à l’adresse de sa coquine compagne :
– Non, non et non, ne regarde pas ! Je ne te la montrerai pas ! Tu ne la verras pas ! Tu risques de me la croquer et de faire de moi un eunuque !
Sans blague ! Vous n’aviez pas imaginé cela ? Si, si, c’est possible, je vous l’assure !
A moins que, pour se tirer de ce dernier mauvais pas, il ne songe à éteindre la lumière…
Et patatras, il ne manquerait plus que la personne soit achluophobe de surcroît, c’est-à-dire phobique du noir et de l’obscurité, avec son cortège de sudations, palpitations et pensées négatives. Charybde et Scylla n’y suffiraient plus si, en outre, la même personne a peur de faire l’amour… mais là, je reste coi ! Je ne connais pas la dénomination pour cette nouvelle phobie. J’imagine un truc cabalistique du genre porospéniaphobie (Poros et Pénia, père et mère d’Eros le dieu grec de l’amour).
Y-a-t-il un cinéaste dans la salle capable de nous concocter un film aussi tarabiscoté, capable de nous effrayer autant que ces noms improbables, capable de nous offrir une bonne dose d’angoisse et d’adrénaline, juste le temps d’une séance ?
Tiens ! Hitchcock vient de bouger le petit doigt, c’est donc possible. Un petit signe qui ne trompe pas ! Normal, lui aussi avait un nom que l’on n’écrit pas correctement du premier coup !
Je suis presque sûr qu’il n’y a plus grand monde pour lire la fin du texte, certains ont déjà quitté la page depuis belle lurette.
Pour cette raison, il n’y aura pas d’interrogation écrite. 🙂
Le titre déjà, a dû en faire fuir plus d’un ou d’une…
Quoique, les unes sont plus courageuses que les uns, souvent. 😉
Pour comprendre l’image. Un autophobe a peur de la solitude et le coulrophobe des clowns.
Amusant 🙂
Et ces personnes qui ont peur de tout même de leur ombre, comment les appeler?
J’ai remarqué que certains aiment bien se distinguer en déclarant, comme si c’était un signe de supériorité « alors moi, j’ai la phobie de… » et je vais vous dire, Simonu, moi, j’ai la phobie des phobiques 😉
Vous ne devez pas en rencontrer souvent.
Vous êtes donc « Phobiquoquo », aucun quiproquo dans votre aversion 😉
Je vais chercher un commentaire de quelqu’un qui me demandait de trouver un nom, sans doute à sa phobie…
J’ai longtemps été scopophobe, mais je me soigne 😀
quand on voit la liste des phobies dans wiki on se dit qu’on est un taff à avoir des problèmes 😀
https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_phobies
euhhhhhh sinon j’ai répondu ailleurs 🙂
Vous en êtes guérie si l’on se fie au sourire lorsque vous êtes en compagnie de copines.
J’imagine que vous vous comportez de la sorte hors copines 😉
Bonne journée Gibu.
Sourire seule dans sa salle à manger est moins……. logique 😀 sauf à la lecture de certains textes bien sûr !
bonne journée Simonu
Vous êtes pimpante ! Sautillante ! Gibu.
Pimpantez donc encore !
A quoi bon se recroqueviller ? 😉
Dans la première version de ce texte, Luce l’artiste (pianiste, peintre, décoratrice et écrivain) m’adressait ce mot.
Je l’avais retiré puisqu’elle n’est plus de ce monde.
Il reprend sa place ce soir.
1. Luce Caggini
26 Mai 2014 à 10 h 04 min Modifier
svp , Simon trouvez un vocable pour la personne qui ne sait pas qui elle est , comment elle est , qui donne des signes qui n ‘en sont pas !!!
RÉPONSE
2. Simonu
26 Mai 2014 à 14 h 58 min Modifier
Bonjour Luce. Je qualifierais cette personne d’erraticomythomane.
Ce serait donc une personne erratique qui n’a aucune stabilité, inconstante, parfois incohérente pour avoir subi un traumatisme sévère dans son passé.
Elle s’invente un cadre et des raisons d’exister pour continuer son parcours de vie qui la renvoie constamment à son traumatisme jamais dépassé.
Voilà ce que me suggèrent vos éléments descriptifs de la personne et voici donc le néologisme qui me parait convenir le mieux.
L’erraticoniromane est plus rêveur que mythomane…
Cette personne intrigue, brille et surprend par ses éclats frôlant le génie. Elle ne laisse personne indifférent, effraie ou attire inéluctablement.
Elle incarne la passion, la sienne comme celle d’un être divin en souffrance.
Elle se cherche et cherche la voie qui lui indiquera la paix de l’âme et de l’esprit.
Voilà jusqu’où mènent mes élucubrations en tentant de jouer le jeu que vous avez proposé.
J’ignore si cette personne existe, en tous cas mon vocable est inventé de toutes pièces pour figurer au musée des mots qui font plus peur que les maux.
Assez de torture, cette personne est un ange qui traverse un chemin chaotique en cherchant la lumière. Pourtant, cette dernière est là, tout près, elle brille et clignote sans cesse.
Bonne journée Luce.
PS. Ces mots de la veine de ceux du texte ne sont pas très jolis… ce n’est pas leur intention première.
Oh, je ne pense pas que le lecteur ait pu abandonner cette burlesque, mais savante, épopée !
Quelle foisonnante imagination ; moins que faire peur, l’épisode est tordant. La vie est assez terrible pour ainsi concentrer de tels maux en un seul être, et un homme de surcroît ! Je me suis bien marrée.
Aussi, n’est ce pas Hitchcock que je pressentirai à la réalisation mais plutôt Dupontel que j’imagine en plus fort à point dans le rôle.
Impossible de prendre la misère au premier degré ; l’approcher par le rire, la modestie de ne pas savoir ce qu’est de vivre cela, permet de faire le pont, de relier. Mis en film, je suis certaine que nous aurions une affection attendrie pour ce héro et ses circonvolutions adaptatives.
Spécial dédicace au nouvel hibou, jaune de peur mais trop gnon avec son bonnet rouge de « breton contestataire ».
Encore un bon moment partagé. Merci.
Merci Sylvie.
Hitchcock c’était juste pour le nom aussi compliqué à écrire que celui des phobies.
Encore merci pour votre suivi, une bonne soirée 🙂