Suffit-il de dire pour avoir raison ?

Crier plus fort que l’autre et l’agresser, n’est pas raison, non plus.

Qui cherche trouve… mais pas toujours.

Voilà une entrée en matière qui peut sembler légère, dérisoire. Pourtant, c’est ce qui se produit le plus souvent lorsqu’on prend parti en entrant dans une discussion.

Je suis un peu étonné par toutes ces réactions, souvent violentes, bourrées de certitudes, qui circulent un peu partout sur les réseaux sociaux comme sur les médias en ligne. Chacun y va de son mot, le plus souvent pour dénoncer fermement un développement qu’il ne partage pas.
Il existe pourtant des milliers de façons de s’exprimer et c’est souvent la plus violente qui est choisie. Comme si la portée d’un argument, le plus souvent l’absence d’arguments, était mieux sentie à coups de bâtons que de bisous. Drôle d’époque !

Je reste persuadé que la meilleure arme est l’humour mais ce n’est pas toujours compris, ni du goût de tout le monde.

J’ai fait un petit tour du côté d’AGORA VOX, un média en ligne, très suivi, alimenté par des textes sérieux et bien argumentés avec force références à l’appui.
J’ai souri en me disant que je pouvais peut-être y pondre mon œuf aussi. Mais je pensais à un œuf en chocolat, comme un œuf de Pâques, bariolé, peinturluré, vif, visible de loin pour attirer les prédateurs des nids.
Après inscription en bonne due forme, il faut passer par le filtre de la validation. Normal. La rédaction a validé mon texte qui fut publié assez rapidement. C’était le jour où l’on parlait beaucoup de la réforme de l’orthographe avec grand sérieux. J’ai donc revisité mon texte sur « WORD malade », que j’ai débarrassé de ses scories et rebaptisé « Un WORD causant ».
C’était du vent. Un vent fripon pour tirer une ou deux risettes dans ce monde trop sévère.
Une fois de plus, je voulais souligner les effets pervers qui accompagnent toute idée neuve, inévitablement. Un mal incontournable lorsqu’on pond des nouveautés sans songer aux conséquences fâcheuses.
WORD déboussolé avait perdu la tête avec les nouvelles règles d’orthographe allégée qu’il ne connaissait pas… Je ne vais pas revenir sur le sujet.

C’était un dialogue entre Word et l’utilisateur qui se faisait inlassablement sermonner par le logiciel formaté au bon usage du français. Une comédie, un théâtre de boulevard au minimum un sketch.

Avec ce texte qui dénotait dans cet univers sérieux d’Agora Vox, presque comme une provocation, je m’attendais à une volée de bois vert.
Je me suis trompé.
Si l’exposition du média vous apporte beaucoup de lecteurs (plus de sept-cents en deux jours) le nombre de réactions reste très variable pouvant aller de la centaine à rien du tout. Je l’ai cherché et je n’ai rien récolté… Trois réactions seulement : une hostile, une bizarre et l’autre favorable. Le panel habituel résumé en trois avis secs.

Le premier commentaire fut vif, traduisant l’agacement au plus haut point.
Le voici ci-dessous, signé Colère48, un pseudo.
Une personne postée en franc-tireur qui ne publie aucun texte, sous ce pseudo en tous cas, mais qui semble frapper sans retenue : « STOP ! C’est de l’enfumage et rien d’autre ! »
Vlan ! C’est bien fait pour « mon gueule » comme disait une amie anglaise. J’ai aussitôt préparé une réplique : « Bravo ! Le détecteur de fumée fonctionne à merveille ! La colère est justifiée mais aurait mérité le plafond de 50. Puisqu’il n’y a pas de fumée sans feu reste à trouver le feu qui couve. Ceci est un autre enfumage… »
Vous imaginez que je me suis arrêté au stade de la rédaction. Je ne souhaitais pas rentrer dans le système que je dénonce. Suffoquant de colère, ce monsieur – une dame n’est jamais aussi violente pour si peu – avait bien le droit de ne pas comprendre ou ne pas partager mon message.
A chacun sa petite folie. Je n’ai donc pas répondu.

Le deuxième commentaire, était incompréhensible. Était-il volontairement abracadabrantesque ou simplement farfelu ?
Je ne le saurai jamais. Je n’ai pas répondu à un message clair, je n’allais pas répondre à un commentaire venu d’une autre planète…

Le troisième m’a fait le plus grand bien, je suis un humain tout de même !
Je ne fus point étonné que son auteur fût une dame. Aucune réponse non plus mais cette femme a dû comprendre à travers ce silence, si différent des autres, que j’étais tombé en sympathie presque en amour. Il me démangeait de la connaître un peu plus, je me suis gratté seulement.

« Excellent. Très drôle » Ecrivait-elle, assorti de la phrase qui suit :

De l’art de mettre la pagaille là où règne une paix relative…

Et si bien résumé !

Ce sont des avis mignons à côté de ceux que j’ai pu lire ces derniers jours au fil des textes. Nombreux sont ceux qui ne font pas dans la dentelle, le langage est martial, farci de noms d’oiseaux…

On ne peut pas plaire à tout le monde, heureusement plus de sept-cents personnes se sont abstenues de commentaire, elles sont passées sans laisser de traces.

Suffit-il de dire ou de contredire pour avoir raison ? Je n’en sais strictement rien.  Le mieux est de rester en marge de toute discussion sans fin, d’éviter de mettre son grain de sel qui ne se dissoudra jamais dans la pensée toute faite et définitive de l’autre. Si vous n’aimez pas les coups de bâton passez votre chemin, il y a des oiseaux qui chantent dans les fourrés…

Je vais laisser le mot de la fin au philosophe des bistrots, ce Socrate des comptoirs, avisé, au verbe assuré et au doigt pointé vers vous, qui vous balance :

« Les gens croient qu’ils ont raison parce qu’ils donnent leur avis » (Extrait des « Brèves de comptoir »)
L’aphorisme est parfait, mais suffit-il de le balancer, aussi, pour avoir raison ?
Notre Socrate de la chopine qui l’a longuement ruminé, il en est persuadé…

Je me suis bien gardé de pondre un deuxième œuf dans AGORA VOX…
Finalement j’ai cessé de pondre dans des endroits où l’on vous attend masqué, posté en snipper derrière des volets mi-clos.

7 Comments

  1. Suffit-il de dire pour avoir raison?
    Pour rigoler j’ai envie de répondre que ça dépend, quand c’est moi qui dis: oui 😉

  2. Le sujet évoqué est très intéressant et il en résulte que j’ai beaucoup ri en vous lisant. C’est tellement vrai tout ça et sorti de votre plume c’est un régal à lire 🙂

    1. Contrairement au sujet du texte, c’est un plaisir de lire vos commentaires.
      Point n’est besoin de secouer les gens, on peut dire les choses sans blesser mais ce n’est plus d’époque, il faut que ça claque, dans tous les sens du terme.
      J’essaye toujours d’user de l’humour mais si vous saviez combien lisent au premier degré…
      Demain je vais publier un texte « radotage », je radote beaucoup, non pas que je perde le sens du temps mais parce que ça me plait. Je crois que cela s’intitulera « Résiste ». C’est un peu plus « sérieux ».
      Merci Gyslaine d’apprécier, cela me fait plaisir 🙂
      Bonne soirée.

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