Quand futilité rimait avec convivialité et gaieté.

Voici une histoire loufoque pour contrecarrer la fausse tristesse du texte précédent. En écrivant celui-ci, je ne prends aucun risque, vous me connaissez désormais, j’ai peu de chances de passer pour un timbré.

J’ai longtemps été maire de l’Aratasca, une contrée perdue à la périphérie de Lévie, toujours élu à l’unanimité comme du temps du Politburo en ex URSS.

Nous étions quatre habitants, quatre inscrits, quatre votants, j’ai toujours raflé la totalité des suffrages. Un temps béni sous la Zinella, l’endroit que j’ai créé pour les festivités estivales. Saint Louis rendait la justice sous un chêne, je décernais les diplômes à la lueur de mon four à bois, fait de mes mains, avant de déguster les plats qui sortaient de ses entrailles. J’administrais ma « commune » à la cocotte en fonte, la cuillère de bois et le rouleau à pâtisserie confectionné avec un morceau de manche de pioche… c’est du solide, du costaud !

J’avais construit un pilier, un temps resté inutile, qui faisait jaser les visiteurs. Je l’ai affublé d’une casquette en tuile, lui ai collé une corne taillée dans une branche de chêne et l’ai baptisé « Bison écorné » (Il manquait la deuxième). Ce totem m’a permis d’enterrer la hache de guerre et fumer le calumet de la paix avec ceux qui me charriaient. Il avait retrouvé une utilité puisqu’il surveillait la vallée d’Archigna, toujours en alerte pour nous avertir en cas d’attaque ennemie.

Le parpaing d’or pour Louis, la brouette de platine pour Ferdinand, le barbecue à air pulsé de Sylvain que j’avais hautement diplômé pour sa trouvaille, la merguez de vermeille pour Danielle et ses couscous réputés… que des occasions pour sortir mon écharpe d’édile local et mon poème de circonstance. Souvent c’était la surprise. Personne ne s’attendait à ces célébrations occultes. Beaucoup d’éclats de rires sont montés des surprises, des larmes ont échappé parfois, tellement le sérieux de la facétie ressemblait au réel. Nous étions des enfants qui jouions aux adultes avec dérision comme les stoïciens de l’Antiquité festoyaient avec un cadavre sur la table pour rappeler à chacun ce que la vie nous réserve.

Un carpe diem nocturne qui s’éternisait jusque très tard dans la nuit, quand ce n’était jusqu’au lever du jour. Vous l’avez compris, les tablées étaient bien garnies dépassant largement le nombre des résidents.

Nous avons refait le monde aux alentours de minuit mais très peu et nous n’y croyions guère. Nous argumentions  d’élucubrations débridées pour surchauffer l’ambiance du mois d’août.

Il nous est arrivé de nous taire pour localiser quelqu’un qui sifflait dans la nuit. Quelqu’un qui sifflait, s’arrêtait sous nos menaces verbales et reprenait un peu plus tard. Lorsqu’un vol frisa nos têtes et vint se planter à quelques mètres de nous sur la barrière : un hibou moyen-duc jouait au gendarme avec son sifflet réprobateur, nous rappelant que si nous étions en rase campagne, la faune locale avait besoin de se reposer aussi.

Comme pour ressembler à la grande histoire, tout fout l’camp, la p’tite histoire de l’Aratasca n’a pas échappé à la règle. Je ne suis plus maire, nous ne sommes plus que deux.

J’ai démissionné de mon poste confortable pour échapper à l’échec. Imaginez que ma femme vote contre moi… Je serais condamné au ballotage perpétuel et la chambre deviendrait ingouvernable.

Au fait, de quelle chambre parlais-je ?
Des deux, Monsieur le Maire !

Photo : Même sans lunettes, Louis le récipiendaire du « parpaing d’or » n’avait aucun mal à imiter le chanteur Carlos. Il était maçon. Son frère Ferdinand connu pour ses travaux imaginaires au Costa Rica puisque simple terrassier, avait obtenu la brouette de platine. C’était pour moi l’occasion de célébrer ces gens laborieux dont on ne parle jamais. Ils apportaient leur savoir-faire sans lequel rien ne se construit. Ce texte à notre mesure est l’occasion de leur rendre hommage aussi.

2 Comments

  1. J’ai l’impression de vous voir assis autour d’un repas qui s’éternise, sous le ciel noir étoilé comme il n’en existe qu’en corse, à raconter des histoires hilarantes, avec au loin le chant du « tchochu »…souvenirs d’une nuit d’été…dommage que tes administrés ait déserté le lieu , à deux c’est moins marrant..mais peut etre certains viennent t-ils te saluer de temps en temps pour faire revivre ces moments la ! En tout cas l’humour et la nostalgie nous font partager avec toi ces instants magiques!!

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