Tifoso.

Facile à trouver notre « tifoso » même si vous ne l’avez jamais connu.
Allez Chiche ! Lisez et revenez sur la photo.

Le terme TIFISO ne serait pas valide au scrabble. Le saviez-vous ? La belle affaire ! On s’en fiche !
Aujourd’hui, on s’affuble d’écharpes et on s’écharpe pour le PSG. L’argent coule à flots mais pas pour les tifosi, juste bons à donner du sou et de la voix puis repartir la tête basse lorsque leurs espoirs sombrent un soir de défaite au Parc des Princes.
Cette année, parait-il, ils sont armés pour décrocher le trophée européen. Si covid veut, nous serons fixés le 29 mai à moins d’une élimination plus précoce.

C’est une petite histoire que je vais vous raconter aujourd’hui. Une anecdote qui se fait histoire comme une grenouille qui envie la corpulence d’un bœuf, quitte à éclater. Dans les années soixante, Lévie vibrait, l’été venu, pour le simple amour de ses humbles footballeurs qui rêvaient secrètement de gagner leur tournoi de la Saint Laurent.

Le mois d’août faisait le plein. Toute la diaspora était au rendez-vous de la fête patronale. Pour rien au monde, Bona, Polo, Pierre Paul, Julien, René et Cie n’auraient manqué l’appel de Ciniccia. Tous revenaient de Paris ou de Marseille avec l’espoir de conquérir la coupe du tournoi de foot. Joueurs ou simples supporters s’unissaient dans la communion d’un été. Un rituel incontournable, tous repartaient en se promettant d’autres retrouvailles.

Le plus assidu et le plus fervent de tous était Laurent, résident permanent du village. Inimaginable pour lui de négliger le tournoi de sa fête. Il était toujours impliqué dès les préparatifs qui se tenaient au bar du Progrès. Le bar de Vescu, disait-on plus couramment. Il ne manquait jamais de donner son avis sur les joueurs ou sur le jeu avec une voix tonitruante. On devinait sa présence dans les parages à ses éclats de paroles qui volaient à travers portes et fenêtres ouvertes. « TIFISO ». Un vrai. Un supporter de l’équipe locale. Un inconditionnel de l’ASL, Association Sportive Lévianaise, toujours partant pour mettre le maximum d’ambiance autour d’une rencontre dont les plus acharnées et les plus prestigieuses étaient les confrontations avec Quenza ou Aullène. Des équipes redoutables, bien composées qui assuraient le spectacle alors que nous incarnions la grinta. Non pas que le mordant fut absent chez eux, mais plus nécessaire chez nous, aux moyens limités.

Ces rencontres très suivies étaient l’occasion d’une préparation particulière. Une victoire contre l’une de ces équipes revêtait une importance capitale et un bonheur assuré pour toute une année. Une bonne poignée de récits imagés à raconter dans les bars jusqu’au prochain tournoi :
– Baba ! Ti invenni, tamanta passa in u tavonu è su pachettu chi u ghjatu di Quenza a vistu passà ! ( Tu te souviens de cette passe dans le trou et de ce bolide que le chat de Quenza a regardé passer !)
C’était plutôt rare que Paupol, le chat de Quenza regarde passer un tir, il allait cueillir les balles jusque dans les lucarnes à notre grande déception, bien qu’admiratifs de l’homme, devant tant de souplesse et de gestes élégants.

Laurent préparait son camion pour les grandes occasions, allant parfois jusqu’à le décorer. Il faisait son choix parmi les jeunes à embarquer sur sa benne, préférant les plus sérieux qui ne prendraient pas trop de risques et quelques délurés capables de faire du bruit comme mille. Sur le trajet vers Ciniccia, le ton était donné : « Les enfants sans souci semu di Livia et nous voici ! » Au passage, les supporters qui se rendaient au stade à pied emboitaient les chants, renforçant les convictions des transportés qui avaient l’impression de conduire une mission supérieure. Laurent roulait au pas pour faire durer le plaisir. Son bras gauche qui dépassait de l’habitacle donnait le ton, encourageant ou modérant les ardeurs des vociférateurs de service.

Sur le stade avant la rencontre, il réunissait quelques jeunes, les encourageait en donnant de la voix : « Et l’ASL oui oui, et l’ASL non non, l’ASL ne périra pas ! ». Le village vidé de sa jeunesse retrouvait ses forces vives à un peu plus de deux kilomètres, sur le plateau de Ciniccia.

Si la victoire était au bout du tournoi, nous étions partis pour tambouriner, vociférer, chanter un bon moment jusqu’à devenir aphones en faisant plusieurs fois le tour du village. Un long cortège de voitures suivait le camion, klaxons bloqués. Même les morts du cimetière tout proche étaient au courant. On pouvait imaginer qu’ils participaient à leur manière lorsqu’une brise légère soulevait les rubans des couronnes les faisant flotter en signe d’allégresse. Tout était hors normes, y compris les allusions les plus folles comme celle que je viens d’écrire. Les joueurs encore en tenue de foot prenaient leur douche sous « u funtanonu », entretenaient le plaisir en animant les conversations, revisitant le match et répétant pour la centième fois les actions décisives.

Le point culminant se jouait au bal sur la Piazzona. Les vedettes du jour, parfumées, brillantinées, presque endimanchées savouraient pleinement leur succès devant le comptoir et force bouteilles de champagne du temps ou le « sans modération » n’était pas encore d’actualité. Une sacrée soirée dont on se souvenait toute l’année.

Laurent était notre supporter numéro un et ne montrait jamais de lassitude même devant l’échec. Je me souviens lorsqu’il était entré sur le terrain pour me porter en triomphe à la suite d’un pénalty. Je l’avais marqué sans savoir comment, j’étais dans un état second, mort de trouille au risque de taper à côté de la balle. C’est lui qui m’a raconté l’action avec précision alors qu’il s’était placé derrière les buts pour être aux premières loges.
Lorsque quelqu’un vous éclaire sur votre action de jeu alors que vous n’en avez aucune conscience, je vous assure que cela fait sacrément plaisir et vous motive pour les matches à venir.

On peut affirmer que Laurent fut le TIFOSO le plus fidèle et le plus acharné du temps de nos tournois à Ciniccia dans les années 60 et plus.

Chi tanti PSG ! 😉

Alors ? Vous l’avez reconnu sur la photo en titre ?
Ah ! J’en étais sûr !

Voici une photo de l’époque, déjà connue, c’est l’occasion de revoir quelques amis aujourd’hui disparus.

2 Comments

  1. Que de glorieux souvenirs autour du ballon rond de l’A.S.L. ! Je n’ai pas oublié le fameux camion multi-usages de Laurent avec des anecdotes pas toujours connues, mais qui nous étaient coutumières ! Ce vieux camion Citroën de couleurs vert kaki, d’une autre époque, était toujours entretenu et bariolé selon les circonstances festives ! Soit qu’il transportât le Saint-Pâtron du village pour les fêtes religieuses estivales, ou bien alors les supporters villageois de football lors de victoires souhaitées, devançant et ouvrant la marche d’ un long cortège de véhicules rythmés par le fameux concert de klaxons. Comme tu nous remets tout cela en mémoire, Simon !

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