Monique, Claude et Luce.

Trois femmes qui ont compté dans ma vie de blogueur.
Trois rencontres épistolaires, trois versions différentes d’une vie.

Monique la canadienne, à la verve toute québécoise, aux mots riches et imagés, était chercheuse en pédagogie. Elle m’avait capté au hasard de mes chroniques dans un média national et m’interrogeait sur mes pratiques, en m’invitant à participer à leurs recherches de l’autre côté de l’Atlantique.
Elle s’était informée de la situation géographique d’Aratasca quelque part sur une île nommée la Corse puis s’était lancée dans un suivi épistolaire, me questionnant sur de nombreux sujets d’éducation et d’apprentissages scolaires, faisant la part belle à la communication, au regard porté sur la personne plus que sur sa difficulté à apprendre. La personnalité d’abord avant la mise en œuvre de toute intervention éducative.
J’avais l’impression que la minuscule Corse conversait avec l’immense Canada
Nos échanges furent riches, nous communiquions sur un autre registre en allant au cœur des choses et poussant plus avant les investigations supposées ouvrir grand les portes de la compréhension des enfants en souffrance, en panne d’apprentissage scolaire.

Monique est partie à la suite d’une intervention chirurgicale dite bénigne alors qu’elle y allait confiante en promettant de reprendre nos conversations deux jours plus tard.

Claude, l’universitaire, prof de biologie à la faculté de Lyon avait détecté une autre facette, mon agnosticisme. Elle s’interrogeait sur le sens de la vie, sur la notion de doute et semblait encore très incertaine quant à ses réflexions. Avec son esprit scientifique, elle appréciait la prise de distance, la prudence à tenir face à l’immense mystère qui nous interpelle. Nos conversations à forte teneur philosophique évoluaient en rebondissements, par interpellations sur des sujets quasiment inabordables par les humains.
Elle aimait par-dessus tout mon côté solitaire, mon regard sur la nature, mon interrogation toujours mesurée sans jamais plonger dans des versions définitives.
Le « Que sais-je ? » était son credo.
J’avais compris que son interrogation cachait quelque chose, elle m’en a parlé avant de se retirer sur la pointe des pieds.
Je lui avais adressé une dernière lettre, la décrivant à ma manière, sans la connaître, alors qu’elle espérait un jour venir me rencontrer dans mon environnement.
Ses enfants ont souhaité lire ce mot lors de ses funérailles, l’hommage d’un inconnu à leur mère.

Luce, peintre, décoratrice internationale et écrivain – elle n’aurait pas aimé que je la désigne écrivaine – avait une écriture à la fois puissante, obscure et toujours tracée à la plume baïonnette. Elle m’avait découvert un jour au hasard d’une chronique et m’adressait un texte intitulé « Confucius au jardin des plantes ». Elle me décrivait comme si elle m’avait toujours connu, rappelait mes coins favoris et illustrait son texte d’une de mes images s’interrogeant sur « le brou béant » – C’est ainsi que j’avais légendé mon image d’une noix quittant son brou comme s’il s’agissait d’un accouchement – Elle signait un texte très envolé difficile à déchiffrer au premier abord comme au second. Je lui répondais dans une autre chronique intitulée « Les textes Picasso ». Un clin d’œil au peintre écrivain dont la prose était autant indéchiffrable qu’un tableau picassien qui laisse perplexe.
Elle m’appelait le « sage de l’Aratasca » tout en m’adressant ses foudres quant à l’idée de Dieu. Fortement touchée par la foi, elle me mettait en garde mais au fond d’elle même, laissait transparaître quelques failles, des doutes qui venaient la titiller parfois et semblaient la troubler.
Sous une apparence solide, implacable contre l’adversité, Luce m’apparaissait comme une femme meurtrie par les choses de la vie. Sa grande souffrance hypertrophiait son aspect guerrier et derrière ce coriace bouclier se cachait une femme dans toute sa douceur et son intelligence.
Son départ fut mystérieux, d’une discrétion totale, elle qui était souvent en première ligne à la pointe de ses combats, s’en est allée sans faire de bruit.

En titre, une toile de Luce.

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