Je me méfie beaucoup des aphorismes, ces condensés d’idées suffisamment bien troussés pour ressembler à des vérités.
Bien souvent, l’art et la manière de les écrire sont hautement plus admirables que la pensée véhiculée.
Usant de la même virtuosité appliquée à la forme, on peut affirmer le strict contraire avec autant de persuasion.
Ce sont des œuvres d’art dans l’équilibre des mots et de l’expression, séduisantes, d’abord par la beauté d’une éloquence concentrée, puis par l’idée exprimée qui en ressort renforcée, évidente et convaincante de prime et souvent de deuxième abord, aussi.
Des idées troussées de manière à être bien reçues, deviennent parfois idées reçues. Des idées que l’on fait siennes et que l’on brandit facilement pour étayer ses pensées, leur donner plus de force, plus de percutant, plus d’illusion.
Qui n’a entendu un jour, « Spinoza disait… », croyant donner plus de jus à son propos du moment ?
Pourtant, je suis un faiseur d’aphorismes aussi, j’en raffole. Je les emballe comme des papillotes. Le papier argenté, d’or ou bariolé, brille, frisote, flamboie mais le contenu n’est jamais d’un goût universel. C’est le goût d’un instant qui se déclare de toujours. Ça marche aussi comme un paradoxe permanent.
Dire un aphorisme c’est exprimer une pensée, rarement, clamer une vérité puisque cette dernière n’a point besoin d’être enjolivée pour éclater. Mais elle se plait aussi en robe de mariée, un joli bouquet à la main, le sourire du bonheur aux lèvres. On agite cette image, on la perpétue, faisant miroiter que l’idée est merveilleuse.
C’est un amusement plus qu’une recherche du vrai. C’est le plaisir de regarder les autres vivre.
C’est encore mieux, assis sur une berge en observant l’onde qui défile, semble uniforme en apparence seulement.
« Se retirer du monde, n’être vu ni connu comme des hommes, et n’en éprouver aucune peine, tout cela n’est possible qu’au sage. » Confucius.
Je m’en approche le plus.
Croire un instant au marionnettiste, sans fils et sans manège comme on attribue à Dieu le don d’ubiquité pour qu’il reste introuvable… Les aphorismes sont des voiles vaporeux à la dentelle sophistiquée et qui ondoient devant les fenêtres de la vie en leur conférant un flou hamiltonien, peu ou prou artistique, que l’on espère évidence. Un flou enfumeur.
Composer un aphorisme c’est formuler une pensée dite sage parce que forme et fond se tiennent par la main. On pourrait même envisager un aphorisme fondamental, minimaliste avec « Oh ! » ou « Ah ? ».
Faut-il désacraliser ?
Généralement, le genre n’admet pas la retouche, c’est pourquoi, je m’amuse à travestir les originaux, juste par taquinerie. La partie en écriture normale et grasse est celle originale, de l’auteur indiqué à la fin de la phrase, en italique le prolongement que j’imagine. Comme une sorte de « Chiami e rispondi » pratiqué naguère dans nos chaumières de villages le soir à la veillée. (L’un appelle, l’autre répond sous une forme poétique, rythmée, improvisée qui s’éternise et s’achève à l’usure des idées.)
Voici l’exercice de « chiami e rispondi » entre auteur et Simonu.
La pensée est le labeur de l’intelligence, la rêverie en est la volupté. En l’artiste ou le génie les deux cohabitent. (V. Hugo)
La parole remet la pensée en sensation, le silence en refuse le partage. (A. de Rivarol)
Dès que la pensée me séduit, je cherche le piège comme un trappeur se méfie du ranger (garde champêtre) qui sommeille en lui. (P. Carbone)
Dessiner suspend la pensée, l’épingle malgré tout. (J. Herzog)
Une pensée ? Un aspect de la vérité qui étincelle, une idée de passage, une étoile filante. (N. Iorga)
La vie est un mystère qu’il faut vivre et non un problème qu’il faut résoudre mais nul ne vit sans énigme à élucider. (Gandhi)
Philosopher c’est apprendre à mourir, cogiter c’est se compliquer la vie. (Montaigne)
Sans les auteurs, la flemme de chercher…
Le rire est le propre de l’homme et de la hyène aussi, mais elle ne sait pas rigoler.
Je pense donc je suis. Il panse donc il suit son patient.
On n’attrape pas des mouches avec du vinaigre ni des moucherons avec de la vinaigrette.
Si les triangles avaient un Dieu, ils lui donneraient trois côtés, il serait équilatéral avec trois coins de paradis.
Rien ne sert de courir, il faut partir à point mais mieux vaut sauter virgule qu’être stoppé au point.
La ponctualité est une voleuse de temps et le temps s’en fout.
Dieu a peur de l’homme, l’homme redoute l’humeur de Dieu.
L’humilité rend vulnérable, l’humidité réclame imperméable.
L’on ne joue qu’avec le feu et l’on se noie parfois dans un verre d’eau.
La solitude est un art, l’ermite est à part.
L’un écrit parce qu’il voit ; l’autre parce qu’il entend, moi, en outre, je ressens.
On ne dort pas pour dormir mais pour agir, à trop agir on finit par s’endormir… de fatigue.
L’indulgence est la pire forme de l’indifférence, la différence enjambe l’indulgence.
Qu’est-ce qu’un suicidé ? Son propre bourreau ou sa propre victime ? Il est avant tout un homme mort qui ignore les questions.
Tout ce qui est exquis mûrit lentement, tout ce qui a mûri lentement est exquis.
Les trois gardiens de la pensée :
😀
Vous êtes d’une rapidité fulgurante ! 😉
j’étais en train de répondre sur mon propre blog 😉 ça facilite la passerelle 🙂
Je ne savais pas cela possible, j’ai beaucoup de progrès à faire pour améliorer mon blog aussi.
Je ne sais pas modifier la police, gérer les images…
Et puis, je fais tant de choses que je n’ai pas le temps de m’y intéresser, je me contente à minima 🙂
J’adore les photos 🙂
Ma préférée? la vinaigrette des moucherons pour sa malice, sinon je trouve ceci très beau:
« … Les aphorismes sont des voiles vaporeux à la dentelle sophistiquée et qui ondoient devant les fenêtres de la vie en leur conférant un flou hamiltonien, peu ou prou artistique, que l’on espère évidence. «
Vous savez Al, c’est terrible, j’écris tant et tant, oublie aussitôt pour passer à autre chose, que je m’extasiais devant votre citation en me demandant qui en était l’auteur.
Déjà sur d’autres idées, j’avais dépassé cela et ne réalisai que quelques secondes plus tard que j’en suis l’auteur.
Simonu c’est ça aussi et pourtant jamais tête en l’air mais dans le dépassement de l’ici et maintenant, déjà ailleurs… 😉
Voyez vous ça, vous vous extasiez devant votre propre prose 😉
(je vous taquine, vous pouvez le faire sans complexe car votre écriture est belle)
Les photos, j’aime la première.
C’était un lézard sur une souche brûlée, de chêne. L’idée du bouddha et de son gardien m’est venue en cours de transformation.
La deuxième me convenait pour les trois états de la pensée. C’était un vieux pieu, (presque un vœu pieux) de châtaignier avec un crochet et un lézard qui se dorait au soleil.
pour ce qui est du maniement des blogs WPC nous le complique à souhait dans l’espoir de générer un abonnement officiel. L’époque des bons vieux blogs de MSN où tout était aisé pour faciliter notre créativité est révolue………. il faut maintenant se creuser la tête pour publier quelque chose d’aà peu près présentable, et c’est désolant. Bonne journée Simonu
Bon dimanche Gibu.
Ici grand soleil mais température négative.
grand gris dans le midi……… affaire à suivre mais nous sommes loin du négatif malgré tout. Très bon dimanche à toi