L’éloge du lit.

« U lettu hè una bedda cosa
Chi un’ dormi si riposa ! »         (Tante Marie la sacristine)

Chaque fois que je vais pondre un texte un peu saugrenu, je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour Monique la québécoise : « J’aime bien venir à vous, un rien vous allume ! » m’écrivait-elle.

Parfois, même un trois fois rien m’allume.
Ce matin, je traînais au lit, c’est plutôt rare. C’est en regardant le plafond que j’ai pensé aux cieux et qu’ont surgi les deux vers que tante Marie me lançait souvent.
Elle n’était pas grande dormeuse. Couchée tard et levée tôt, elle profitait de ses insomnies pour converser avec Dieu. C’était sa version « lit repos » plutôt que « lit dodo ». Elle était exigeante avec le divin. Je l’entendais parfaitement lorsqu’elle se lamentait car elle lui parlait à haute voix, lui demandait beaucoup de faveurs, pour elle et pour les siens. Elle se plaignait aussi de maux nombreux, lui disait ses vieux os, sa digestion difficile, bref, j’imagine que si tout le monde envoyait tant de doléances la nuit, le pauvre créateur ne devait pas beaucoup dormir non plus. Je ne l’ai jamais entendu donner une seule réponse mais il a dû l’écouter car elle vécut assez longue vie malgré toutes ses douleurs qui retardaient sa rencontre avec Morphée…

Ainsi donc, je me suis attardé au lit. Un espace assez réduit, finalement, dans lequel on passe la moitié de sa vie. Aller au lit ne signifie nullement s’endormir. On bouquine parfois, on bavarde si l’on est deux, on rêve, on refait le monde, on compte les moutons, d’ailleurs il y en a toujours un qui vous file sous le nez et il faut tout recommencer.
On se bataille aussi. Je veux parler de la bonne guerre en se roulant dans tous les sens sans forcément tester tout le kamasoutra. Après, on peut trouver le sommeil.
On peut le chercher sans le trouver tout de suite. Côté droit ou côté gauche, sur le ventre ou sur le dos c’est comme on veut. Chacun connait sa préférence et parfois la cherche longtemps en essayant toutes les positions et dans ce cas, on n’est pas sorti de la chambre ! Mieux vaut alors la quitter tout de suite pour faire un tour ou veiller jusqu’aux premiers signes d’endormissement, sinon c’est galère au lit.

Je me suis souvenu des différents matelas que j’ai connus.
A ressorts qui ressortent lorsqu’ils sont fatigués et vous chatouillent les côtes, ceux bourrés de bractées de maïs, très cricri, crispants et pas très confortables, sentant même le remugle si les fausses feuilles ne sont pas complètement sèches.
Ceux rembourrés à la laine c’était le luxe. Tous les ans ou tous les deux ans, on visitait leurs entrailles pour passer la laine à la cardeuse. Ah! La laine cardée ! C’était la bonne nuit assurée, chacun y creusait son nid par moulage du corps. Cardage ! Cardage ! Bon cardage assurait bon dormage !
Ce n’était pas une mince affaire, fallait faire très attention à ne pas se prendre les doigts dans la balancelle, le hachage très douloureux était garanti.
Les matelas à eau sont paraît-il parfaits, je ne suis jamais monté dessus, alors je crois sur parole. Mais faut pas s’aventurer avec un objet pointu si vous ne savez pas nager, vu la quantité d’eau, vous risquez la noyade.

On rêvait du lit à dais ou à baldaquin, le nôtre était toujours en bataille sans aucune fioriture ni même tête de lit.
Le plus détesté est celui d’hôpital. Pourtant, il est très sophistiqué. Il monte, il descend, il bascule, il a même des poignées qui vous tendent les étriers pour vous soulever. Il faut reconnaître qu’il est nécessaire et le considérer comme bon lit aussi.
La couche, tiens la couche ! Il s’en passe des choses sur la couche ! Heureusement qu’elle n’est pas bavarde, vous l’imaginez en train de tout raconter ? La honte et l’épidémie d’éreutophobie (peur de rougir) galopante assurée !

Tante Marie avait bien raison lorsqu’elle se faisait poétesse. Elle ne savait pas lire mais disait bien la vie… J’ai souvent été son fabuliste en lui adressant des récits pour la convaincre de ne plus se faire teindre les cheveux en violet, c’était ma manière de m’entraîner à l’écriture.  Dormir était pour elle toute une aventure, à ses vers j’en ajouterai quelques autres pour être plus complet :

Le lit est une bonne chose
Qui ne dort se repose

Et qui rêve de coquineries
Ici même les assouvit
Puis totalement épuisé
Tombe dans les bras de Morphée.

Souffrez donc mes pirouettes et facéties
Elles disent choses de la vie, aussi.

Morphée en attente, clignote.
Le sommeil arrive…
(Image originale, une rose blanche en fin de vie)

Morphée, vous connaissez Morphée ? Il vous invite avec ses mains en forme de nageoires à venir à lui. Pas toujours facile à trouver et parfois vous entraine dans un cauchemar…

7 Comments

  1. Je penserai à votre rose à ma prochaine insomnie… et à votre tante Marie 😉
    (Votre amie du Québec vous avait bien cerné 🙂 )

  2. Excellent moment de lecture (surtout pour une quasi insomniaque…).
    (Petite, j’étais subjuguée par le cardage que venait faire le matelassier avec la laine des moutons de maman.)

      1. Ma cousine à Marseille me raconte que l’été on occupait les enfants à carder leur matelas, pas de machine mais un simple manche à carder qui faisait très mal aux doigts.

      2. Dans nos campagnes normandes c’était ainsi aussi. Il y avait également le passage de la bouillotte (alambic) et de la presse à cidre. Ces machines -avant mes 5 ans- me fascinaient.
        Bonne soirée 😀

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