Après l’ambiance morose, j’ai envie de retrouver un peu d’humeur badine dans ses deux sens*.
Hier matin, François Hollande rendait visite à la France qui se lève tôt et qui travaille. Il avait revêtu la blouse blanche du parfait boucher. Il déambulait parmi les grossistes de Rungis lorsqu’il a fait une halte au pavillon de la viande pour assister à un désossage de la tête de veau en moins d’une minute. Cette tête de veau sauce ravigote que Jacques Chirac avalait également en un temps record.
Visiblement, les désosseurs et dépeceurs étaient aux anges. Quel plaisir de rencontrer le président à une heure si matinale… Ils n’en croyaient pas leurs yeux et affichaient une mine réjouie devant la caméra.
Quatre hommes de couleur (là, ça se complique, il va falloir faire attention aux adjectifs pour ne pas passer pour un raciste), disons plutôt des français d’origine sub-saharienne (c’est déjà mieux), communiquaient leur bonheur à qui voulait bien les entendre. Le premier à prendre la parole était très content : le président leur a dit bonjour « et gentiment » ajouta-t-il. Quoi de mieux pour un petit bonheur bien avant potron-minet* ? Le deuxième s’apprêtait à montrer sa joie lorsque son voisin de droite, plus enthousiaste, lança avec conviction qu’il était très heureux, très fier de cette rencontre et que cela l’encourageait à bien travailler, « vive la France ! » s’exclama-t-il.
François Hollande a dû rêver, un bref instant, d’une CGT docile. Des militants tout de blanc vêtus, devenus des anges, le portant en triomphe…
Probablement, notre président requinqué, renouvellera sa visite l’année prochaine. Rien de tel pour vous remonter le moral. En son temps, il avait vertement critiqué son prédécesseur qui s’était rendu dans le même centre avec Carla. Plus prudent, il a préféré laisser Valérie au lit. De surcroît, l’endroit est dangereux, je peux en témoigner pour l’avoir parcouru au péril de ma vie. Les livreurs de bidoche* ne se soucient guère des visiteurs, n’aiment pas les intrus gêneurs et le font savoir en faisant valser les carcasses pendues à des roulettes. Elles vous passent sous le nez à grande vitesse au risque de vous assommer si vous n’y prenez garde.
Incorrigibles, avides de communication, nos gouvernants n’en sont plus à une maladresse près. On pourrait presque parier que la dernière année du quinquennat, le président sortira sa Valérie pour un plus publicitaire. Cela promet du monde autour des hachoirs, ce jour-là.
Puisque de telles sorties à la fraîche du matin font du bien, François Hollande serait bien inspiré d’organiser ou suggérer une sortie de ce genre à son premier ministre Jean-Marc Ayrault. Une visite façon Giscard avec des éboueurs marseillais, par exemple, histoire de décentraliser la bonne humeur gouvernementale. Une autre manière de casser la croute avec la France d’en bas et de sonder la France profonde… l’air vif hivernal arrachera peut-être un sourire soutenu au fusible présidentiel.
Si le joyeux boucher qui criait « Vive la France », m’entendait, il pourrait bien me pointer du doigt : « ce n’est pas bien de désosser le président ! » Il aurait raison, y-a pas de quoi faire un bon pot-au-feu…
*humeur badine : 1er sens – d’un naturel gai et enjoué parfois un peu folâtre ou moqueur.
2 sens- Une badine, baguette fine et flexible pour fustiger.
*potron-minet : lever du jour
*bidoche : viande