Aujourd’hui, je lisais dans la presse locale : « La vie de l’Eglise n’attire plus les jeunes ». L’abbé est désabusé « Les jeunes couples qui se préparent au mariage ne savent plus prier ». Alors, il veut partir en croisade : « J’ai envie de lancer aussi une école de prière. Pour permettre de redécouvrir cette grâce qu’est la prière ».
Sa mission est claire, il veut sauver la jeunesse malgré elle. Il ne doute de rien : « Je ne crois pas à l’athéisme… Dieu aime tous les hommes et il sait parler à ses enfants »… Il est bien dommage que ces derniers ne l’entende pas.
Lungaretti, le chanoine de mon enfance ne s’embarrassait pas de fioritures. L’église était un passage obligé pour tous ceux qui se trouvaient à portée de main au moment de la messe ou du catéchisme. Il faisait un tour de la Grand-Place, « A Piazzona », et vous empoignait par le col pour vous conduire de force à l’office si vous ne le faisiez pas de gré.
Seuls les enfants de parents athées reconnus échappaient à cette prise autoritaire. Tous les autres, qui n’avaient pu s’enfuir à temps, abandonnaient la partie de foot pour la durée d’une messe, l’esprit ailleurs. Les plus téméraires parvenaient à quitter l’église par la sacristie dès que le curé avait le dos tourné. La seule porte donnant sur l’extérieur était fermée à double tour. Il ne pensait pas toujours à enlever la clé.
Souvent, il nous obligeait à passer par confesse. On racontait n’importe quoi, histoire d’être un peu crédible pour repartir l’âme légère et purgée après quelques « Je vous Salue » ou « Notre Père ». Il nous arrivait, de sourire ou de rire pendant l’office… il descendait de son autel sans arrêter de chanter ou de réciter un psaume pour nous asséner une de ses taloches bien appuyées dont il avait le secret.
Les anecdotes sont nombreuses. Il lui est même arrivé de détaler depuis le tabernacle, en pleine messe, pour poursuivre Jules qui venait de crier dans le fond de l’église. Malgré la soutane, l’aube et l’étole, il a rattrapé notre garnement juste à la fontaine située à une centaine de mètres de la maison de Dieu. Jules en a pris pour son grade et le Divin a dû se marrer un instant devant cette scène comique. Etait-il branché sur Lévie, ce jour-là ?
Pour nous inciter à suivre la messe matinale avant la classe, il nous promettait un crucifix en ivoire. Il fallait y aller quarante jours d’affilée. Un seul jour manqué et c’était le retour à la case départ. En fin de compte, je crois que mon trophée qui trône encore au-dessus du lit de ma mère, est en plastique. Il faut reconnaître qu’à l’époque la matière était de qualité. Et de l’ivoire au plastique, il n’y avait qu’un pas.
Ne voyez aucune aigreur dans mes propos, d’autant que j’étais très apprécié par notre curé pour avoir fréquenté les lieux saints plus souvent que beaucoup d’autres. C’est juste une pensée amusée et aucunement le récit d’un mauvais souvenir. Finalement, on l’aimait bien notre chanoine.
La grande bâtisse dédiée à Dieu est aujourd’hui fermée. Elle n’ouvre plus que pour un enterrement ou une fête importante célébrée à la sauvette lorsqu’un moine venu du Mexique, de quelque autre pays sud-américain ou africain, se trouve encore dans le couvent de Sartène à trente kilomètres d’ici. Les croyants qui souhaitent enterrer les défunts dans la tradition catholique doivent patienter quelques jours car l’envoyé de Dieu, devenu itinérant, n’intervient plus que sur RDV.
Les temps ont changé. Pour remplir les églises, il faudrait organiser des spectacles en tous genres plus souvent, avec l’espoir que la révélation se manifeste comme un petit miracle. Des révélations individuelles, déjà ça… il serait étonnant que la grâce divine s’abatte massivement pour toucher le collectif, même devant un spectacle grandiose au milieu de tous ces saints. Si ce pouvoir existait, il y a belle lurette qu’il se serait manifesté.
La foi reste individuelle, personnelle, liée à une sensibilité ou une histoire… Si la contrainte n’y peut rien, la séduction communiquée par l’amour du prochain affichée par notre abbé du jour, touchera bien quelques personnes… Les curés de plus en plus rares vont se trouver devant une tâche insurmontable car Dieu reste encore bien en dehors de tout cela, hélas !
Puisque bientôt c’est Noël, notre curé dénonce : « Mais Noël n’est plus une fête chrétienne, ça n’est plus la fête de la Nativité. On l’on vidée de son sens. Même si ça reste une fête de famille on est amené à se poser la question de la joie que l’on éprouve. La grâce de Noël, c’est découvrir que Dieu nous aime »… Si le constat est juste, comment interpeler l’homme en dégageant Dieu de la responsabilité du chef ? Est-ce raisonnable ? En dehors du silence, il dispose de tous les moyens de montrer son amour. I’Eglise a décrété que les voies du Seigneur étaient impénétrables comment voulez-vous que l’homme aille jusqu’à lui ?