En cultivant son jardin.
(Ce texte est passé totalement inaperçu en son temps, pour cette raison, je lui donne une deuxième chance)
A mes petites filles…
C’était l’été dans le Yukon au nord-ouest du Canada. Une saison très courte qui favorise l’épanouissement de nombreuses espèces végétales. Presque une course après le temps. Les fleurs se dépêchent de vivre leur vie, l’hiver sera plus long, sec et froid. La nuit est calme, le ciel joue une symphonie de couleurs vertes et mauves. Des lumières dansantes « flanellent* » à la manière de rideaux livrés aux courants atmosphériques. Des orgues gigantesques et silencieux miment une musique imaginaire toute en franges mystérieuses tombées du ciel.
De nombreuses étoiles brillent entre les voiles vaporeux, d’autres filent à toute allure du nord vers le sud. Soudain, un claquement sourd, une lumière vive, d’abord rouge puis bleue, rase la taïga marquant juste un léger temps d’arrêt puis fonce dans le ciel avant de disparaître derrière les plis d’une aurore boréale.
La faune est surprise. Le grizzli lâche un cri rauque comme une menace. Les hiboux, très nombreux dans cette contrée, cessent de boubouler. Là-bas, sur les hauteurs, la chèvre des montagnes bêle son inquiétude, le renard roux glapit, le porc-épic secoue ses aiguilles pendant qu’un lagopède (perdrix des neiges) bat des ailes, brusquement tiré de son sommeil.
Le monde animal habitué au silence du nord-ouest canadien a senti que quelque chose d’inhabituel venait de se produire sur son territoire.
Un léger craquement se fait entendre. Est-ce le castor du fleuve Yukon qui se manifeste ? Est-ce le lynx intrigué ou le pygargue à tête blanche qui craint pour ses petits ?
Une silhouette phosphorescente se dandine lentement dans la nuit. Sa tête dodeline, ses pas sont feutrés. Elle hésite. Sans doute un chasseur à l’affût, un trappeur peut-être ?
Non, on dirait un fantôme perdu dans l’immensité canadienne. Un petit extraterrestre est tombé de son vaisseau spatial. D’où vient-il ? Ce n’est pas un Martien, il vient de beaucoup plus loin, d’une autre galaxie. Sa planète est perdue quelque part dans l’Univers, c’est Galaxien.
Jessica n’arrivait pas à dormir. Elle avait ouvert sa fenêtre pour regarder les étoiles. Elle a vu Galaxien passer tout près de sa maison. Elle est d’un calme étonnant et le regarde sans frémir. Il a juste deux yeux comme nous mais pas de nez, pas de bouche, pas d’oreilles. Il lui communique ses pensées par une voie mystérieuse, inconnue sur terre. Elle comprend tout sans paroles. Le petit être venant de l’espace lui apprend des choses surprenantes.
Là-bas dans sa Galaxie tout passe par la pensée. Chez eux, il n’y a pas de sentiments. La peur n’existe pas, la joie non plus. Tout est fade ou plutôt sans goût, ils n’ont pas de bouche. On ne pleure pas, on ne rit pas. La chaleur et le froid n’existent pas non plus. Il n’est pas sensible à tout cela. Il vient tout juste de découvrir l’effet de surprise en atterrissant ici. Bizarre, chez eux, point d’’émerveillement. Il n’a jamais exploré un tel paysage… Avec son regard perçant, ce soir, il a vu plein de choses, ses idées s’enrichissent puis changent…
La petite fille ne dit rien. Il comprend ses pensées, elle le sait. Avec son système bizarre, il lui transmet ses réponses par une sorte de télépathie.
Il avait déjà une idée de la vie sur terre. Cela fait deux mille ans que les Galaxiens surveillent notre planète sans jamais atterrir.
Jessica a compris. L’extraterrestre a des envies nouvelles. Il aimerait bien rire ou pleurer, sentir le chaud comme le froid. Il aimerait bien avoir peur du grizzli et caresser un chat. Sauter à la corde, s’écorcher le genou, manger du chocolat, jouer à la marelle, se piquer en cueillant une rose. La fillette est rêveuse : « Le pauvre, comment faire pour lui apprendre les émotions ? »
Soudain, une lumière douce en forme de tuyau s’arrête au-dessus de lui… Il a juste eu le temps de dire : « Petite fille ! Aime ta vie, regarde comme ton monde est beau ! Je t’envie ! » Puis zou… ou…ou…oup ! Galaxien est avalé comme le ferait un aspirateur… la lumière faiblit puis disparaît.
Le hibou venait de ululer juste sous la fenêtre, beaucoup plus fort que d’ordinaire. Jessica l’a entendu et s’est réveillée. Elle soupire : « Ah, le vilain ! Quel dommage, il a effarouché mon ami, il a éteint mon rêve ! »
Elle s’est approchée de la fenêtre pour regarder le ciel. Juste au-dessus d’un grand sapin, comme un immense arbre de Noël, une étoile plus grosse que les autres clignote d’un éclat bleuté inhabituel.
C’est peut-être Galaxien qui aimerait bien revenir pour rêver encore une fois avec elle ou alors son Missiau qui lui fait des clins d’œil…
Petites filles, pianotez sur vos humeurs comme les aurores boréales avec leurs lueurs.
Un jour, vous serez grandes, aussi.
J’aime vous deviner ainsi,
Animées par votre imagination taxi
Pour se rencontrer sur une autre galaxie…
* « Flanellent »= ce verbe n’existe pas, c’est un sucre-mot pour évoquer un mouvement de flanelle.
Les animaux cités vivent dans cette région et voici une curiosité :
« Les épines du porc-épic d’Amérique du Nord (ou Canada) présentent des propriétés uniques : si elles pénètrent la peau des victimes deux fois plus facilement que l’aiguille d’une seringue, elles demandent quatre fois plus d’énergie pour en être retirées. Cette double compétence pourrait être exploitée en médecine pour développer des piqûres moins douloureuses ou des pansements plus efficaces ». Futura Santé (Extrait)
Il y avait juste deux commentaires que voici :
1. zeva
21 Mai 2015 à 15 h 52 min Modifier
Quel étrange Pays! Si loin du notre mais Simon nous fait découvrir ses particularismes avec tant de bonheuR…Plus loin encore, l’étrange extraterrestre Galaxien qui vit sans émotions mais son regard est vif.. Jessica le comprend pleinement et voudrait bien l’aider …Mais il disparaît. ..c’est néanmoins Galaxien qui a les derniers mots de sagesse…Belle histoire pour les petits (et aussi pour les grands)….Merci pour cet enchantement poétique.
2. BOUSQUET
20 Déc 2017 à 9 h 14 min Modifier
L’imagination parle aux enfants mais aux adultes aussi souvent, il suffit de ne pas oublier…
Superbe conte, que vos petites-filles aient autant que leur missiau l’imagination vagabonde afin de pouvoir rêver et toujours entrevoir le merveilleux en toutes choses.
Oui, c’est c’la, entrevoir le meilleur, le pire n’aura pas besoin d’être sollicité, il viendra tout seul 😉
Quelle bonne idée cette deuxième chance, et quelle belle histoire…….. qui nous fait réfléchir sur la beauté de la vie et des sentiments ! tout ce qui meuble en bien ou en mal notre existence mais qui fait que nous nous sentons vibrer ! Merci Simonu
C’est ma philosophie, cultiver les contrastes de la vie.
Je prends ma dose quotidienne, cela suffit à mon « bonheur » et m’a fait dicter l’épitaphe suivante :
« Je suis venu, j’ai vu et je n’ai rien compris (au sens de la vie, idée de dieu)
J’aimerais bien refaire un tour, non pour comprendre mais pour le plaisir. »
Bonne soirée gibulène.
bonne soirée Simonu, c’est vrai qu’une relecture serait parfois nécessaire…….