Pour passer le temps en se prenant un peu la tête 🙂
L’idée de ce texte m’est venue d’une situation que j’ai laissée s’installer par manque de clarté… On est toujours pressé par d’autres préoccupations, on ne mesure pas les effets d’un engagement à la légère.
La névrose ordinaire est plus répandue qu’on ne le pense.
A vrai dire on en souffre tous plus ou moins sans le savoir et parfois en le sachant, ce qui accentue et entretient le malaise. C’est un trouble qui n’a aucun caractère de gravité mais reste une gêne importante dans le vécu quotidien.
Le névrosé contrairement au psychotique, a toujours une perception exacte de la réalité et de son malaise qu’il peut même décrire facilement. Il garde toute sa lucidité et sa raison. Les effets produits par la névrose sont variables allant de l’anxiété à l’angoisse.
La plus courante et la plus simple des névroses est celle qui consiste à se sentir plongé dans une situation dont on ne maîtrise pas tous les paramètres. Souvent, se trouver devant une action à effectuer dont on sait par avance, ou devine, qu’elle est exécutée en pure perte de temps, d’efficacité voire sans aucune effectivité*. En langage simple, cela consiste à se leurrer tout seul en faisant mine de croire à ce que l’on entreprend à vide, sans parvenir aux visées..
Cette situation est très courante chez les enseignants. Par exemple, au CP, l’enseignant a pour mission d’apprendre à lire à tous les enfants. Or, par expérience et sur le vif, certains ne peuvent y parvenir raisonnablement dans le temps imparti, c’est-à-dire dans l’année. L’enseignant le sait mais comme on lui dit, d’en haut, que cela est possible, il se place dans la position hautement névrotique de celui qui fait tout pour réussir ce qui n’est ni réalisable, ni raisonnable, ni à sa portée. Le résultat ne dépend pas que de lui. Il se trouve au cœur d’une mission impossible et doit s’y conformer malgré tout.
En somme, la personne est placée dans un état de conscience que quelque chose ne peut pas coller et s’y attelle quand même. Au-delà de l’anxiété, son état peut aller jusqu’à la dégradation de l’estime de soi.
Il en va ainsi des cas réfractaires que l’on ne peut résoudre dans le cadre d’une classe.
J’en avais souvent la preuve avec certains enfants en grande difficulté, sur lesquels on devait porter un autre regard avec une autre approche, différente de celle d’une classe ordinaire.
L’adulte libre, ordinaire, se trouve souvent devant ce cas de figure. Surtout lorsqu’il fait preuve de courtoisie pour ménager l’autre lors d’une activité à mener conjointement. Les choses ne sont pas clairement dites ni posées, un engrenage s’enclenche, le doute s’installe. Il n’a qu’une manière d’y échapper c’est de parler vrai, parler franc sans se préoccuper de savoir si sa franchise va troubler son interlocuteur. A trop prendre les pincettes, on s’emprisonne tout seul, on limite ses portes de sortie en s’interdisant la liberté de dire ce que l’on pense.
S’il existe un remède à la névrose ordinaire, c’est de lever la tête, de regarder droit dans les yeux puis de dire en toute franchise le fond de sa pensée ou passer à autre chose. C’est une manière de respecter l’autre en comptant sur sa capacité à comprendre la réalité, même dans ses aspects les plus désagréables.
C’est donc par le flou et le défaut d’affirmation de soi que l’on offre un passage à la névrose.
Le piège qui nous guette en essayant de l’éviter est celui de l’excès inverse : l’arrogance avec une affirmation exacerbée du moi. Heureux celui qui ne se pose pas de questions et passe au-dessus de toutes ces contingences ?
Pas sûr. Il tombera bien dans d’autres travers, ces côtés déplaisants de la vie qui mettent, par contraste nécessaire, les plaisirs en lumière1…
La personnalité équilibrée n’existe pas, la vie est faite de déséquilibres variables qui jouent les uns sur les autres et se régulent pour permettre aux funambules que nous sommes de glisser sur le fil de la vie. Personne n’est à l’abri d’un basculement dans le vide.
*Effectivité : faire ce que l’on dit sans rien promettre qu’on ne tienne.
1. Le plaisir comme le déplaisir ont besoin l’un de l’autre, pour exister. C’est le contraste qui en fait la conscience. Le bonheur ne peut exister sans les accidents de la vie sinon il serait béatitude c’est-à-dire s’en remettre à une force supérieure dans l’effacement de soi et la négation du moi. D’autres, au contraire, y verront une sublimation du moi en étant « l’élu », le « touché par la grâce ».
L’image qui illustre ce texte est un dessin censé représenter la névrose. Il est incomplet, il manque la moitié inférieure… c’est un étudiant en licence de psychologie qui me l’avait donné aux débuts des années 70 lorsque j’étais à la faculté des sciences humaines de Nice.

Jérémy Mannheim (1968)
Le haut et le bas, ici séparés, formaient une seule page.
Belle réflexion et celui qui se ressent comme étant un élu est à vrai dire un gentil illuminé 😉
J’aime beaucoup les dessins de votre ami, il avait un joli don.
En fait, c’est le même dessin coupé en deux car il n’entrait pas en photocopie.
Et l’ami, ne fut que l’homme d’un jour et d’une discussion.