Débats ?

Tourner sept fois sa langue dans sa bouche ou ses idées dans sa tête avant de parler, n’est pas donné à tout le monde. Cela se fait de moins en moins, comme le bon sens, cette attitude est en voie de régression. Qui doute aujourd’hui ?

Il suffit de regarder la télé pour s’en convaincre. Les débats sont clos d’avance, on se demande à quoi ils servent. Chacun campe sur ses positions, bien arrêtées, et repart avec ses mêmes convictions. La volte-face, le changement d’avis,  n’existent  pas, sauf, curieusement,  pour les religions mais ce n’est plus du domaine du débat… la croyance s’en passe volontiers.

Généralement, le parti-pris domine, et brouille toute écoute de l’autre. Rares sont les personnes réceptives dans le but de comprendre, afin d’y trouver quelque avantage pour sa pensée. On se fie  à son idée préconçue,  fil conducteur exclusif de son discours. On débat pour faire valoir ses idées, son plaisir parfois et non pour comprendre. Ca change tout.

C’est encore plus flagrant, si l’on s’intéresse aux commentaires de plus en plus nombreux et spontanés donnés en pâture par les médias en ligne. On y trouve beaucoup de « n’importe quoi » car chacun se pose en spécialiste de la question alors qu’il n’en possède qu’une très maigre connaissance. L’intervention est immédiate, émotive ou réactive sans qu’elle ait le moindre temps de maturation, de réflexion, comme si les choses de la vie étaient de suite évidentes. Ces commentateurs de fortune flattés de voir leur littérature commentée à son tour, y prennent goût et récidivent. Loin de donner de la lumière à la question soulevée, toutes ces interventions intempestives, toxiques, enveniment ou polluent le débat. Constatant cela, les seules personnes qui ont des choses à dire pour avoir approfondi la question préfèrent s’abstenir plutôt que se lancer dans un dialogue de sourds ou carrément de chiffonniers.  

Le maître-mot, galvaudé, est lâché : c’est la démocratie. Chacun a le droit de s’exprimer avance-t-on. Certes, que voulez-vous répondre à cela ? Se taire et déplorer la misère intellectuelle saupoudrée à tout bout de champ lorsque cela dérive en insultes, grossièretés et autres noms d’oiseaux. Normal puisqu’on est à court d’arguments par méconnaissance profonde du sujet, alors on agresse, on crache des mots à défaut d’opposer des arguments. C’est d’autant plus tentant qu’on intervient sous le masque d’un pseudo.

 La démarche socratique qui consistait à se parler sur la place, face à face, écoute contre écoute, réplique contre argument était infiniment plus profitable en progressant vers la connaissance de soi : « Connais-toi toi-même ». Socrate qui invitait à prendre conscience de ses limites rappelait que toute affirmation doit être justifiée par des arguments rigoureux. Ce qui est rarement le cas, il faut le reconnaître. La règle, aujourd’hui, c’est de confondre allègrement savoir et opinion.

Affirmer son opinion ne signifie en rien que l’on connait le sujet à fond, que l’on possède les tenants et aboutissants, que l’on a procédé à une analyse sérieuse…

Cette dernière remarque se vérifie lorsqu’un journaliste interroge le voisin d’un criminel. Ce voisin de palier, d’étage, de bâtiment ou de quartier ne fait que donner un avis superficiel montrant bien qu’il n’a jamais porté un regard critique (un approfondissement de ce voisinage qui le laisse indifférent). Les réponses sont souvent les mêmes : « Je suis surpris, c’était quelqu’un de poli, serviable, gentil…Je ne comprends pas, ça ne peut-être lui…  » Comment prendre, alors, ses états d’âme pour preuve de bonne conduite ? Cela traduit au moins deux choses : les rapports entre voisins sont superficiels et le sens de la réflexion est anesthésié. Un criminel claironne rarement ses intentions, il a tout intérêt à se faire oublier pour mener à bien ses travers. Loin de se montrer surpris, on pourrait trouver ce comportement éclairant.

Evidemment une telle démarche ne date pas d’aujourd’hui, elle a toujours existé, elle se généralise et tend à devenir l’attitude dominante. Ainsi naissent la cacophonie, les prises de bec, les intolérances… Facebook et Twitter sont en passe d’en devenir les agoras de prédilection.

Et pourtant, parfois le silence est d’or…

 

 

 

« Il n’y a de science (de savoir) que du caché ». G. Bachelard

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