Quand j’arrive en ville… (2)

Ou, l’escapade d’un quidam.

Cela me fait toujours bizarre quand j’arrive en ville.
Je ne suis plus dans mon élément, je nage comme un poisson hors de l’eau.

Un ami m’avait prédit « Tu rentres définitivement au village, tu peux jeter costumes et effets de ville, tu ne les mettras jamais plus ! »
Je n’ai pas suivi son conseil, j’ai gardé ces effets, au cas où.

Les deux premiers jours, j’ai parcouru les rues de la ville par simple curiosité.
J’aime bien m’immerger dans ce qui ne me plait pas pour sublimer ce qui me plait.
C’est ma théorie des contrastes, je les cultive pour mieux aimer la vie.

Le premier jour, j’étais planté sur le trottoir et m’imprégnais de toutes ces choses que je ne connais plus. Un homme au port altier, qu’il portait bien altier, chargé d’élégance, me toisa avec insistance.
Sans doute avait-il flairé le rural.
Un rural fringué à l’ancienne, de neuf certes, mais passé de mode.
Des restes d’avant l’euro, des restes de l’époque du franc. Un accoutrement anachronique ça se remarque vite en ville.
Il tenait bien son sac en bandoulière et portait l’écharpe à merveille.
L’effet de surprise passé, allongeant le pas, il a filé.

Un SDF fait partie du paysage urbain, pas un rural.
Corps et esprit imprégnés de campagne ça jure par ici.
C’est ainsi, et je n’en prends point ombrage.

Ha ! La covid ! La covid ! Deux personnes conversaient avec des mots pointus, visages masqués, l’un d’un bec de canard, l’autre de forme ordinaire.
Ils se tapaient le Macron en poursuivant longuement leur bavardage.
Puis, la tête dodelinant une dernière fois, pour bien affirmer leur galère, ils s’éclipsèrent sur geste de la main. Le pas pressé, ils disparurent au coin d’une rue.

Parfois, croisant un regard, j’esquisse un sourire. J’avais oublié que j’étais masqué aussi, le sourire des yeux passe inaperçu. Alors, je salue d’un geste de la main mais je reste muet, conscient de ma débraille, un intrus au cœur de la ville, un passant qui passe…

Je m’amuse en observant ce monde qui m’ignore.
A chaque passage clouté que l’on dit protégé, je pense au maquis, à mes amis les oiseaux.
Je souris.
Là-bas chez moi, dans ma solitude, je suis heureux.

Qu’ils y viennent, qu’ils y viennent, fringués comme à la ville…
On les verra très vite en urbains défroqués.
Ici, c’est la nature qui dirige, la fashion passe à la télé…

L’arrivée au village, hier soir.
En ouvrant la fenêtre de sa chambre, ce matin, mon fils fredonnait du Greco : « Reconfinez-moi ! »

3 Comments

  1. Mais que les rapports les plus simples entre les hommes sont donc compliqués! L’habit ne fait pas le moine et tout nu le citadin ressemble comme une goutte d’eau au rural, quoiqu’il en pense 😉
    Comme c’est bon de rentrer chez soi, hein Simonu!!!
    (Je vois une écharpe de brume ou de brouillard sur la dernière photo mais plus loin, c’est de la neige, déjà?)

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