Le coucou philosophe.

Il faut se méfier des coucous philosophes.

Comme Arrias dans « Les caractères » de La Bruyère, ils ont tout lu et tout vu.

J’en connais quelques spécimens.
Vous ne pouvez vous exprimer librement sur un sujet qui vous tient à cœur, sans qu’ils se croient obligés de vous infliger quelques citations bien senties pour contrecarrer vos propos. Le secours d’un philosophe connu leur parait plus efficace parce que justement, la sentence émane d’un éminent personnage.
S’ils vous donnaient la contradiction avec leurs propres mots, leurs propres idées, soit, ce serait conversation normale mais lorsque on est touché par la maladie du coucou philosophe, il faut citer, citer beaucoup jusqu’à faire taire l’interlocuteur.
Souvent ce sont des gens peu sûrs d’eux qui ont besoin de ce soutien, voire des personnes très peu lettrées et qui souffrent de cette carence.
La reconnaissance est le maître mot. Pour cette raison, ils en font des tonnes et ça les rassure.
Si d’aventure, ils tombent dans les bras d’un admirateur, alors là, ils l’épatent chaque jour en préparant leurs armes de quelques lectures salvatrices.
C’est ainsi, pas bien grave, mais c’est agaçant.
A l’usage, ils améliorent leur pensée qui s’affine, prend de l’étoffe car les bougres ont bonne mémoire, à force de l’exercer.

Le grand risque c’est de finir philosophe frelaté car dans leur égo profond, ils se sont toujours crus issus d’un bon cru philosophique. Voyez-vous moi-même j’en perds la tête au lieu de filer vers mes légèretés habituelles.

Pour ne pas trop m’étendre voici, ce que j’écrivais dans un autre texte pour les décrire, non pour les décrier, c’est leur affaire.    

Le coucou philosophe a une singulière particularité, il est aussi coucou suisse, c’est-à-dire qu’il aime bien sortir de sa cachette toutes les heures pour clamer son savoir, livresque le plus souvent. Au lieu de lancer trois coucous pour annoncer trois heures, il clame trois aphorismes bien sentis puis vous regarde droit dans les yeux en vous défiant de répondre à ses sentences. Souvent, il vous inflige quelques mots bizarres, appris récemment ou de plus longue date, des mots rarement entendus, en douce pour tester votre savoir. Oh non ! Il ne vous questionne pas, il fait mine de croire que ce vocabulaire est connu, connu de vous et joue l’étonné si vous lui demandez de préciser sa pensée avec des mots de tout le monde. Si vous n’êtes vigilent pour laisser filer, son piège va fonctionner. C’est son plus grand plaisir, il vous a tendu une toile et vous êtes tombé dedans, à pieds joints. Là, une pointe de malice surgit au coin de son œil, il a tapé juste et vous frappera d’un étonnement feint : « Ah, tu ne savais pas ? Ce qui en deuxième lecture signifie « Finalement tu ne sais pas grand chose ! » Et le voilà heureux devant tant d’ignorance.
Pour lui, philosopher c’est donner l’illusion d’en savoir plus que les autres, en assénant des sentences stériles. Comme un boxeur qui vous soule d’uppercuts, de crochets et de coups pas très droits, il devient insatiable.
La prochaine fois filez votre chemin, sinon il vous donnera le reste…
Ces gens-là sont des inconditionnels de l’aphorisme, impitoyables, capables de noyer un bataillon.
Et si vous leur adressez sourire assorti d’admiration, vous serez le phénix des hôtes de ce monde.
Méfiez-vous alors, car tenant son public, il ne vous lâchera plus.

Là, il atteint le degré paroxystique du plaisir, celui qui flatte son égo en piégeant l’interlocuteur.
Que voulez-vous, il est comme ça, il a besoin de cela pour exister et ça se soigne difficilement.

Finalement c’est tout simple, le coucou philosophe ne sait s’exprimer que par des « coucou…coucou… coucou ! » Après s’être endormi dans la boîte à idées d’un autre. 

Et l’humour ? Très peu pour lui, la philo c’est du sérieux !
On ne badine pas avec ceux qui font les zofs !

C’est la poule qui fait les zofs…

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