Conversation entre un grand-père et sa petite fille.
Après « Un regard dans l’abîme », le regard perdu de sa mère, un grand-père fait le trait d’union avec sa petite fille. Il ne s’agit pas d’une petite fille en particulier mais de chacune des cinq, chacune à son tour. C’est à elles, Leia, Anna Livia, Margault, Fanchon et Francesca Maria que je dédie ce texte.
- Que feras-tu lorsque tu seras plus grande ?
- Je n’en sais rien mais j’aimerais être faiseur d’étoiles.
- Mais tu es une fille ? Pourquoi ne dis-tu pas « faiseuse d’étoiles » ?
- Parce que ça n’a pas d’importance, c’est faire des étoiles qui compte et pas celui ou celle qui les fait.
- Tu as raison. Tu vois, on dit que la vérité sort de la bouche des enfants, je dirais plutôt, la spontanéité, la sincérité, le vrai plus que la vérité.
- Pourquoi tu compliques missiau ?
- Parce que je ne suis plus un enfant. Un adulte, ça complique toujours, il voit des problèmes partout et surtout là où il n’y en a pas.
- Ah bon ! C’est ça être adulte ?
- C’est presque ça, mais on ne le fait pas exprès, on devient comme ça en parcourant la vie et puis un jour, lorsqu’on est vraiment vieux, qu’on est fatigué de torturer les choses, on redevient un enfant.
- C’est curieux un grand-père-enfant, tu trouves pas ?
- Non, non, c’est la meilleure chose qui puisse arriver. Tu retrouves le sourire et les choses légères… Sinon on dit de toi que tu es un vieux… j’ose pas te dire.
- Oui, j’ai compris, un vieux con !
- Comment tu sais ça ?
- Ben, je l’entends partout.
- Et toi qu’est-ce que tu en penses ?
- Que tu n’es pas comme ça, tu m’as appris beaucoup de choses, je t’ai écouté et je crois que je me souviendrai longtemps de nos moments passés ensemble.
- Ah, ça me fait plaisir. Je vais continuer à vivre grâce à toi, dans ta pensée, dans ce que tu imagineras encore de moi.
- Oui, comment veux-tu que j’oublie les figues, le raisin, les cerises, les noix, les châtaignes et lorsque tu me regardais avec un sourire, presque en cachette, tu crois que je ne t’ai pas vu ?
- Non, je n’ai rien vu, toi aussi tu cachais bien ton jeu, je comprends maintenant.
- Qu’est-ce que tu comprends ?
- Que tu es une grande fille qui apprend beaucoup de choses.
- Je suis encore une petite fille mais je vois, j’écoute et j’entends.
- Tu vois, j’allais te dire, j’espère que tu auras une belle vie et puis je ne le dirai pas. Ta vie sera ce qu’elle sera, c’est toi qui la feras, en tous cas ta vision du monde comptera beaucoup. Quand j’étais petit, il y avait surtout des analphabètes dans ma famille, non pas des gens bêtes mais des gens qui ne savaient pas lire et ne pouvaient pas m’aider. Ils faisaient confiance aux maîtres et aux maîtresses. Finalement, je n’en ai jamais souffert, je les ai regardés vivre comme ils pouvaient, cela a été ma chance. Sans mon sourire à la vie, je me serais plaint tout le temps. Certains se plaignent de cette condition, je veux dire de leur vie d’avant… Moi, j’en ai fait une force… Et puis tu sais, je viens de comprendre pourquoi tu veux être faiseur d’étoiles. C’est un beau métier, un métier imaginaire mais un métier qui engendre la paix en soi… Je vois, je vois… un vrai faiseur d’étoiles… Parfois, tu seras découragée et puis tu te souviendras que tu as plein d’étoiles à distribuer, ça ira mieux. Les étoiles scintillent la nuit, le jour on ne les voit pas mais elles brillent toujours… La vie ce sera ça, tout ne brille pas tout le temps sous tes yeux mais il reste toujours l’espoir caché que l’on peut garder secret pour les jours de brouillard. Fais briller tes étoiles tant que tu pourras… (Un long silence)
- Pourquoi tu ne me regardes plus, missiau ?
Grand-père venait de tourner la tête pour essuyer une larme.
Vos petites-filles ont beaucoup de chance d’avoir un tel missiau, et que de tendresse dans cette larme…
🙂