Mystère dans la nuit.

Un léger brouillard s’était installé sur le village.

En cette nuit d’avril, j’avais l’impression qu’un décor avait été planté par un mystérieux scénariste afin qu’obscurité et lumières s’accordent avec la procession d’un vendredi saint.

Je m’étais posté dans un coin sombre en attendant l’arrivée des processionnaires.

Tout en bas, juste après le tournant de Pilili, je devinais la vague montante précédée d’une écume claire. Des hommes en aube blanche ouvraient la marche entrainant derrière eux toute une masse sombre et mouvante qui serpentait en cadence lente.

Une voix perça le silence de la nuit, suivie d’un chant puissant dominé par les timbres masculins, modulés par l’aigu féminin qui se glissait parmi les notes graves.
Chrétiens et chrétiennes à l’unisson célébraient le soir de la Passion.

Devant moi, le quartier Olmiccia scintillait de mille feux, un reposoir placé sur le bord de la route attendait le christ sur la croix.

La masse mouvante se rapprochait, le chant, plus puissant, semblait s’élever jusqu’aux cieux.
Comme par magie, ma vue se troubla, une déferlante sortie de nulle part déforma l’Olmiccia puis se figea au-dessus des maisons faisant mine de les engloutir…

Le coussin blanc destiné à recevoir le crucifié vira progressivement au bleu, posant sur l’oreiller l’azur doux d’une journée ensoleillée.
La maison complètement distordue tortura ses lumières, un coin de ciel céruléen éclairait la table portant une légère caresse en contraste à la nuit dans tous ses états.

Une douceur infinie s’apprêtait à accueillir, pour un instant de repos, l’homme sur la croix…