Aujourd’hui, je suis rentré tard, bien après midi. Je n’avais rien préparé.
Ce n’est pas un problème, ce fut fusilli, ces pâtes en tortillons. Un peu d’huile d’olive et de la fleur de sel, rien d’autre.
L’huile d’olive est toujours d’un grand secours et cela me ravit.
Entre deux bouchées, je me demandais combien de gens ne mangeaient pas à leur faim à ce moment précis. Combien de personnes étaient en errance, en quête de quelques miettes de pain… En quête de rien ou en quête d’un autre désastre ? Des gens qui vont sans savoir vers quoi ils cheminent. Des gens perdus, des gens qui se demandent ce qu’ils font là, sur terre.
Qui ne demandent rien et qui vont, qui vont…
Devant moi, la bouteille d’huile d’olive.
Je lisais « Vierge extra », sur d’autres c’était « Extra vierge » . Quelle différence entre vierge, vierge extra et extra vierge ?
Il doit bien exister un cahier des charges pour notifier cette différence ! Un cahier des charges rendez-vous compte !
L’homme s’amuse à faire semblant, changeant la place des mêmes mots pour faire croire qu’il cherche le paradis de la marelle. Il place et déplace son palet dérisoire faisant mine de tout encadrer et d’être sérieux.
Du pipeau. J’ai compris que nous ne cessions de jouer du pipeau. L’homme aime la musique qui adoucit les mœurs, celle qui se fait douce pour tricher ou truquer l’horizon.
Je pensais à mes poules qui pataugeaient dans la boue que les dernières pluies abondantes et incessantes ont engendrée. Je les regardais ce matin, toutes plumes mouillées, les pattes enfoncées dans la gadoue, le bec triste.
Vous connaissez le bec triste ?
Moi si, c’est à l’œil inquiet de la géline, à son regard, qu’on devine un bec triste. Un regard perdu, un regard qui questionne et cherche sans savoir quoi.

C’est à ce moment que j’ai compris que des dos frissonnaient, des doigts restaient grippés, que des os se trainaient sur des trottoirs de hasard, en recherche de rien du tout.
Nous sommes aux portes de l’été, le temps est maussade.
C’est un temps de Toussaint, un temps des morts, un temps de bourdon…
On est là, planté sur terre.
Mieux encore, nous sommes plantés là, sur terre.
Plantés, voilà pourquoi tout tremble et rien ne bouge…