Ah ! Le Banestou Gringoire, une belle tranche posée sur la langue comme une hostie ! Je ferme les yeux et je me crois au paradis !
En m’entendant parler ainsi, quelqu’un me disait : » Parle-nous du présent, pas toujours du passé. »
Du présent ? Tu veux dire du Covid-19 ? Du chômage ? Du désordre qui règne dans le pays ?
Le présent, tout le monde le vit en direct, et à la télé, point besoin d’en faire récit !
Ah ! Le passé, vous croyez que c’est passé ?
C’est comme une histoire que l’on raconte aux enfants pour les endormir. Je me berce ainsi, en me racontant des souvenirs qui m’ont laissé une agréable impression.
Banestou, ça sent bon la Provence.
Nous passions quelques jours en été et aux vacances de Noël dans un coin des basses Alpes.
On m’avait adopté et même intronisé maître en paëlla. C’était devenu un rituel. Dès mon passage à Céreste dans les Alpes de Haute Provence, je devais revêtir mon tablier noir de cuisinier pour préparer l’incontournable paëlla. Tous les ingrédients étaient déjà réunis, je n’avais qu’à cuisiner.
Au moment du service, je devais me montrer devant la tablée d’une douzaine de personnes, toujours les mêmes, coiffé de ma toque de chef que les habitués m’avaient offerte. Inévitable.
Je me présentais devant le jury à la fin du repas, sous les applaudissements nourris à chaque fois. Les jurés avaient bien mangé et bien bu, c’était l’essentiel.
Je m’y étais conformé comme pour mes incontournables discours et remises de médailles à la Zinella que j’avais instituées pour les soirées estivales en Aratasca, chez moi.
Souvenez-vous, le « Parpaing d’or » à Louis le maçon, la « Brouette de platine » à Ferdinand le terrassier, la « Mergez de vermeil » à la voisine pour ses couscous, le « Foyer carbonisant » pour le voisin inventeur du barbecue à air pulsé qui brûlait toutes les grillades, tant il était puissant comme une forge.
Passé maître pizzaiolo, j’intronisais les nouveaux, à genou devant moi, les faisant « Chevaliers de la Margherita » en tapant les épaules avec la pelle à enfourner et faisant mine de les assommer avec le rouleau à pâtisserie prélevé dans un manche de pioche tout neuf. Une menace pour qu’ils se souviennent de l’amour à apporter à chaque pizza.
Même les hiboux se posaient à quelques mètres pour rigoler avec nous.
Le Banestou était un saucisson qu’on ne trouvait nulle part ailleurs. Rien à voir avec la rosette ni le jésus lyonnais. Aplati sur sa base et son autre partie arrondie, tranché, il avait la forme d’un demi-cercle dont le diamètre mesurait entre douze et quinze centimètres.
Vous en aviez en bouche, avec une bonne tranche ! Je l’adorais, en bon épicurien que je suis.
La première fois que je l’ai découvert, ce fut à un loto. Je me souviens de l’animateur qui criait les numéros avec un trait d’humour pour chacun et dès que quelqu’un annonçait « Quine ! », le distributeur de lots, sans doute moins doué pour la métaphore, intervenait avec ses approximations qui n’étaient pas voulues. Il se plantait souvent, parfois annonçant « un litre de magnum » d’un petit vin local, qu’il portait à bout de bras levé criant « un litre de magnome » comme si « magnome » était un vin réputé. Il venait de lire sur la liste des lots « un magnum de vin ».
Personne ne le reprenait, certains pensaient qu’il s’amusait et les autres s’en fichaient, noyés dans la franche rigolade. Il avait avoué qu’il ne savait pas.
Je visais le Banestou introuvable dans les magasins du coin.
On a fini par en trouver, par hasard, chez un boucher, durant temps… et puis plus jamais.
Un dernier soir de loto, avant de retourner dans la région parisienne, ma fille d’une huitaine d’années, s’était endormie devant son carton. C’est sa mère qui annonça carton plein avant de la réveiller. Elle venait de remporter le gros lot de la soirée, une chaîne hifi.
Elle y fit tant d’effet, cette chaîne, qu’en entendant ce mot hifi, à chaque fois, Banestou résonne dans ma tête.
Ce cher saucisson est passé de mode… voilà à quoi sert le passé, à réveiller les choses qui n’existent plus.
D’accord avec vous parler du présent est sans intérêt, à moins d’en faire un roman, par contre le passé éclaire le présent souvent.
J’ai cherché par curiosité votre banestou sur le net, il existe bien un saucisson ainsi appelé mais vu la société et l’endroit où il est vendu, sa forme, je pense qu’il s’agit d’un pur plagiat de banestou!
https://www.google.com/search?sa=X&source=univ&tbm=isch&q=%22banestou%22+saucisson+proven%C3%A7al&client=firefox-b-d&ved=2ahUKEwiGmaXW7PTpAhVLxYUKHSmOB6YQ420oA3oECAMQCg&biw=1280&bih=696
Oui, c’est bien ça, tranché au milieu, sa section a la forme d’un demi-cercle.
Je ne l’ai pas trouvé, j’ai pourtant mis tous les éléments.
A l’époque, on le trouvait surtout dans les lotos, il venait peut-être de cette charcuterie.
Bien cherché, bien trouvé.