Le rendez-vous.

Le gymnase était désert.

Il était adossé au mur, le regard perdu dans le vague, l’air ni triste ni heureux, pensif. La jambe droite pliée, le pied totalement à plat contre la paroi comme s’il était dans un starting-block, prêt à bondir et se propulser vers la sortie en cas de danger. C’était une impression seulement, car cet air de solitude n’était qu’une posture d’attente qui trahissait une certaine impatience, peut-être un doute, une interrogation. Jamais, il ne tourna son regard vers la porte d’entrée restée ouverte, elle lui avait promis de venir. L’endroit était désert et le dernier à quitter la grande salle n’avait pas fermé la porte derrière lui.

Une heure venait de s’écouler. Persuadé d’avoir attendu pour rien, le jeune homme qui en était à ses premiers balbutiements dans les rencontres galantes, arborait un visage de mauvaise fortune, la tête basse comme un jour de défaite. Il commençait à perdre espoir quasiment certain d’avoir été floué par une allumeuse. Les mots mauvais commençaient à gagner son esprit.

C’est à ce moment de moral au plus bas qu’Evora apparut toute pimpante dans sa robe fleurie. Mille couleurs sautillaient. Elle transportait le printemps à travers la salle avec une démarche légère, très aérienne, jouait avec l’amplitude et la souplesse d’une robe obéissante, en totale harmonie avec ses mouvements. Le tissu imprimait une grâce de ballerine à cette légèreté dansante. La lumière d’un néon couronne était devenu soleil…

Evora s’arrêta face à l’homme en attente, lui pinça le menton pour le relever de sorte que leurs yeux se perdirent dans leurs regards. Elle n’aimait pas le voir la tête basse et les paupières mi-closes, dans la défaite et l’indécision. En agissant de la sorte elle prenait le pouvoir. Lui, ne savait plus comment faire, totalement interdit, il la regardait sans broncher. Elle plaça sa main sur son cou comme on le ferait pour étrangler quelqu’un, il releva un peu plus le menton lui offrant davantage de prise. Elle serra légèrement jusqu’à sentir ses carotides palpiter sous ses doigts. Il était vaincu, abandonné, définitivement offert. Elle fit mine d’intensifier la pression à deux mains puis les promena, agiles, enveloppantes et douces sur son visage. Elle s’attardait sur les tempes, les promenait sur ses lèvres, son nez, avant de caresser ses joues les massant doucement. Lorsqu’elle se décida à explorer sous sa chemise, il n’avait pas bougé d’un millimètre, toujours immobile, toujours inerte. Seule une partie basse prenait vie progressivement. Elle l’avait senti à travers les tissus puis elle vérifia en passant sa main sur le relief volcanique. Elle recula de deux pas en fixant l’émergence au bord de l’éruption et s’éloigna vers la sortie en souriant : « L’explosion de lave sera pour un autre jour. »

Elle disparut brusquement comme elle était entrée, révélant ainsi le double abandon : Il s’était abandonné à elle qui l’abandonna à son tour.
Surpris par ce lâchage soudain, Antricien sortit de sa léthargie, il s’était endormi.
Evora lui avait posé un lapin ou peut-être une lapine si l’on en juge par l’effet produit.

3 Comments

  1. Pauvre garçon, ce n’était pas la bonne pour lui, sûr qu’il en rencontrera d’autres 🙂
    Ca vous va bien aussi, la fiction, vous n’avez jamais imaginé la suite ?

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