Maurizzio Cattelan est un artiste italien. Artiste qui rime avec Christ, il peut transformer le rien en bien sonnant et trébuchant.
Plaquer une banane contre un mur et la scotcher pour qu’elle tienne à la verticale est une idée de génie que les gens à forte profondeur d’esprit adorent. Ils vont tourner autour de cette banane, la lorgner sous toutes ses coutures comme ils ne l’ont jamais fait devant un présentoir de fruit au marché ou ailleurs. On n’a pas le même regard partout, à l’épicerie on file, à la galerie on lambine, on est là pour rêver et faire bouillir les neurones. C’est l’idée qui prime et non l’objet qui frime. Faut pas confondre tout de même, l’art ce n’est pas du lard. L’art ça se ressent, c’est dans le regard, le lard ça se cuisine plus bassement, c’est pas pareil. Quoique, un art-steeteur serait bien capable de faire de l’art avec du lard… Cela a déjà été fait me semble-t-il au Quai Branly ou ailleurs.
Vous n’avez jamais vu une banane venue de Martinique se prostrer contre un mur blanc, scotchée, tenue par un ruban gris ? Regardez sa ligne courbe, on dirait qu’elle est dans une chaise longue ou un rocking-chair au mouvement suspendu. Elle se la coule douce, sanglée comme un passager dans un avion pour ne pas choir et être la risée devant les visiteurs. Vous ne trouvez pas ? Oui ? Alors, balancez 120 000 € et topez la, affaire adjugée, affaire conclue ! En outre, elle a une particularité notre banane, elle change de couleur, vire du jaune au brun mais ne change jamais d’allure, elle est tordue et le restera. On ne peut la redresser sans la casser. Elle ne serait que banane assassinée, une autre œuvre d’art. Allez savoir !
N’est pas street-artiste qui veut. Essayez pour voir !
Je tente le coup avec mon téton de citron, un citron bio, rustique de Corse, né dans un jardin de particulier. Vous n’êtes pas obligé de dire tout ça, cela nuit à l’œuvre. Moins on en dit et plus les visiteurs en disent. Ils voient des tas de choses qu’un être normal ne voit pas. Il faut avoir l’œil qui suggère des allégories, des coquineries, avec les bananes on ne sait jamais, bref, plein de choses que l’artiste n’a jamais pensées. Il ne se foule pas la rate, il sait que vous penserez abondamment à sa place, il vous donne matière à pétrir, alors pétrissez.

Mon téton de citron ne verra pas grand monde, je ne suis pas au bon endroit et surtout je ne suis qu’un pauvre quidam perdu dans la brume de l’Aratasca, un lieu inconnu mais qui pourrait suggérer l’Alaska, l’Athabasca, l’Atacama ou le Nebraska… Pour cela, il faut avoir l’imagination fertile.

Ma pauvre pelure de citron recevra sans doute la visite de quelque cloporte curieux, peut-être quelques gendarmes en inspection des lieux parcourront-ils son galbe, s’arrêteront sur le téton et rêveront. Mais ne vous méprenez pas, ils ne lâcheront point la moindre piécette pour ce rêve qui fait rêver.
Quoi ? C’est génial un rêve qui fait rêver !
Me voyez-vous tout rouge, fier de ma trouvaille ? Plus de doute, je suis un artiste… un artiste qui s’ignore et reste ignoré.
Peau granitée, épinglée, exposée ne vaut banane scotchée, hélas citron pressé !
« J’aurais voulu être un … » Starmania.

