Le coucou.

Le coucou dans toute sa splendeur.

L’idée va paraitre saugrenue et très tarabiscotée.

Elle m’est venue en observant certaines personnes qui se croient philosophes en récitant les aphorismes des auteurs connus. Ils dorment dans les couffins des autres y piochant les idées, les claironnant à tout bout de champ. Ça fait classe, érudit, philosophe. Généralement, ils épatent les plus démunis toujours bon public et prêts à s’émerveiller d’un mot sorti de son contexte, devenu tarte à la crème. La crème c’est bon dans les plats cuisinés, ça dénature tout en trompant le monde.

Ce n’est pas qu’il faille éviter de faire des citations mais point trop n’en faut non plus. Or, les coucous en usent énormément. Kant a dit, Spinoza a écrit, Nietzsche, si facile à prononcer et si compliqué à écrire, disait, tout comme Schopenhauer, lui-même prononçable et tout aussi obscur à écrire, déclarait… Bref, c’est du beau monde et les idées fourmillent.

Devient-on philosophe en balançant, à tire larigot, les idées des autres ? L’est-on aussi en pensant par soi-même exclusivement ? Le pire, dans l’affaire, est qu’à aucun moment, le grand sachant ne se questionne sur sa condition, sa nature profonde, ses intentions, le bienfondé de sa vision des choses. En bon coucou il profite des philosophes nourriciers.

Un vrai coucou gris qui se contente d’ouvrir le bec pour profiter de l’instinct nourricier du petit passereau dont il squatte le nid.

« Connais-toi toi-même ! Sans le travail sur soi-même la vie ne vaut rien ! » Qui a dit ça ?  Ah, feu Socrate ! Une devise inscrite au frontispice du temple de Delphes reprise à son compte. « Chez Socrate, la philosophie ne désigne pas, comme chez les sophistes, l’acquisition d’un savoir, mais une manière de s’interroger, de se mettre en question, une forme de souci de soi. » Je serais plutôt enclin à penser cela, de la sorte, il reste une grande marge pour l’introspection et la pensée personnelle, celle qui nous intéresse au premier chef.

Le coucou philosophe a une double particularité, il est aussi coucou suisse, c’est-à-dire qu’il aime bien sortir de sa cachette toutes les heures ou demi-heures pour clamer son savoir livresque, le plus souvent. Au lieu de lancer trois coucous pour annoncer trois heures, il clame trois aphorismes bien sentis puis vous regarde droit dans les yeux en vous défiant de répondre à ses sentences. Souvent, il vous inflige quelques mots bizarres, appris récemment ou de plus longue date, des mots rarement prononcés, en douce pour tester votre savoir. Oh non ! Il ne vous questionne pas, il fait mine de croire que ce vocabulaire est connu, connu de vous et joue l’étonné si vous lui demandez de préciser sa pensée avec des mots de tout le monde. Là, une pointe de malice surgit au coin de l’œil, il a tapé juste et vous frapperait presque d’un « Ah, tu vois, tu ne sais pas grand-chose. » Pour lui, philosopher c’est savoir, connaître des sentences stériles.

Là, il atteint le degré paroxystique du plaisir, celui qui flatte son égo en piégeant l’interlocuteur. Que voulez-vous, il est comme ça, il a besoin de ça et ça se soigne difficilement.

Finalement c’est tout simple, le coucou philosophe ne sait s’exprimer que par des « coucou…coucou… coucou ! » Après s’être endormi dans la boite à idées des autres.

Image dans le titre : A défaut de coucou, voici un geai matinal.

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