Voyage.

A chacun ses rêves. Depuis très longtemps, je rêve de rencontrer un extraterrestre avant de quitter ce monde. C’est une vieille affaire qui date de mes dix ans, onze ou douze, je ne me souviens plus très bien.

C’était au temps où il y avait cinéma deux fois dans la semaine, au village. Ma tante entretenait la salle, se chargeait de l’affichage et tenait l’entrée lorsque le projectionniste rejoignait le petit réservé, poste de projection. Je vivais avec elle et donc, j’étais de toutes les séances. Je ne manquais aucun film.

Je me souviens d’un film en noir et blanc titré « La chose ». Rien à voir avec celui, plus récent, tourné dans une base en antarctique.

Une personne se promenait dans la nuit étoilée lorsqu’une lumière mystérieuse zébra le ciel, un objet vint choir dans les parages immédiats. Le quidam découvrit une chose curieuse qui se comportait comme une graine au développement rapide pour donner vie à une créature inquiétante qui allait semer la terreur dans le monde terrestre. Un homme métallique, je crois.

Je revois encore cette image.

Incapable de m’intéresser à l’idée de dieu qui me semble inaccessible, pas un millimètre de progrès n’est intervenu depuis que l’homme est sur terre, j’ai cessé d’y penser sérieusement. Il me semble que c’est peine perdue, on ne saura jamais rien de notre vivant. Je me suis résolument tourné vers un autre mystère, celui de l’Univers. Existe-t-il d’autres créatures parmi toutes ces étoiles qui scintillent ? L’idée me fait rêver, alors, je voyage dans l’espace. Je traverse les galaxies, j’imagine des êtres étranges.
Pourquoi ce désir d’étrangeté ? C’est un penchant de l’homme qui voit dans les paréidolies, des figures humaines ou animales comme des manifestations de la nature. Un visage dans une fumée, dans un nuage, sur un rocher, on s’émerveille croyant au message de la nature. C’est notre anthropomorphisme qui détecte le déjà vu gravé dans notre mémoire visuelle. Jamais, nous n’évoquerons une figure étrangère à notre connaissance. Peut-on envisager une figure non familière à partir d’une forme complexe qui ne ressemble à rien de connu ? Certes non, ces choses-là ne nous parlent pas, pourtant elles existent, fourmillent par milliers. L’homme vit dans son biotope, seules les formes courantes de son paysage l’interpellent.

Hélas, c’est exactement le même phénomène qui se reproduit lorsqu’on imagine un extraterrestre. Il a des jambes, des bras, une tête, des yeux, des oreilles et même si son apparence se déforme par rapport à l’humain, l’essentiel est là. Peut-on envisager, une créature informe qui dépasse notre entendement ? Probablement pas car l’homme a ses codes et ne parvient que difficilement à s’en éloigner un peu. La plus improbable des créatures comporte toujours des aspects connus. On peut les distordre à l’infini, il reste toujours la marque humaine et terrestre, au moins en filigrane.

Je n’échappe pas à la règle.

J’adore fouiller l’espace, avec ma propension à frissonner fortement, je souhaite une rencontre du troisième type qui sans doute ne viendra jamais dans le reste de mon temps.

Ma méthode est simple. Puisque je ne connais rien de l’ailleurs, je vais me fabriquer des êtres étranges en déformant une photo de manière très aléatoire, sans but précis sinon celui de tomber sur une figure qui me satisfait. Une opération que je nomme « métamorphose » puisque l’image finale n’aura plus aucun rapport avec celle initiale, totalement méconnaissable. Le départ s’effectue à partir d’une image banale et souvent d’un cliché raté. Cela ne marche pas avec toutes les photos, à l’usage, on comprend vite si l’opération aboutira ou non. Les déchets sont nombreux. A mesure de mes transformations, je teste ma satisfaction. L’image obtenue servira de raison à mon rêve. J’irai dans son monde étrange et, je m’inventerai des aventures. L’inspiration choisira l’émotion du moment. Vais-je sombrer dans l’effroi ? Irais-je vers le rire ? La tristesse ? C’est la rencontre qui décide.

Je remplis tous ces mondes à ma guise, je voyage, je visite… Je fais semblant d’y croire. Au bout de tous ces semblants de croire, y a-t-il le croire ? Non, pas pour moi, il y a l’espoir, le que sais-je, le doute.

Je suis un cartésien qui aime s’égarer vers le « faire semblant de croire », le versant qui fait rêver les esprits rationnels. Ceux-là aussi, ont besoin d’un peu de légèreté, cette légèreté échappatoire qui lustre, nourrit et assouplit leur sérieux…

Voici quelques mondes que j’ai visités. Là-bas au fin fond des galaxies des êtres nous regardent ou, comme nous, ne savent rien de cette immensité qui nous dépasse.

L’homme est une infime poussière qui se prend pour le centre de l’univers alors qu’il est perdu dans l’uni-vert.
Dans la froideur de Pluton.
Mercure en fusion.
Saturniens.

Image dans le titre : Comme un Aladdin follet surgi des ronds d’une mare imaginaire.

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