Je m’amuse, je joue, je suis un éternel gamin. J’ai un gros défaut, j’adore prendre du retard, lambiner en expérimentant, en tâtonnant, un comportement d’autodidacte parfait.
J’ai toujours fonctionné ainsi. Pour tout, même mon métier, je l’ai fabriqué, je l’ai inventé, le plus souvent. J’ai suivi mes intuitions, ma sensibilité, j’ai fait confiance à mon regard, à mon écoute et je me suis embarqué dans la vie en pratiquant l’empirisme bien que mon esprit se gargarise de rationnel. Je me suis trompé et j’ai appris de mes erreurs, c’est ainsi qu’on se forme un esprit curieux de tout, un esprit à la conquête de la vie.
Lorsque j’ai débuté en photographie, c’était une envie soudaine. J’avais tenté la peinture à l’huile et l’aquarelle avec moins de bonheur. Comme un gamin fébrile, pressé de tenir son jouet, j’ai fait mon gros caprice. Je me suis rendu chez un marchand d’appareils photos et voilà ce que j’ai dit :
J’achète un réflex avec deux objectifs à la condition expresse que vous me livriez un laboratoire complet, pour noir et blanc, dans la journée.
Il disposait de tous les produits et accessoires mais pas de l’agrandisseur. Dans l’après-midi, on me livrait un agrandisseur d’exposition sans notice, en pièces détachées. Je suis parti à la chasse aux images. Le soir j’ai monté mon labo dans la salle de bain et jusqu’à minuit, je n’ai tiré que des photos noires. Fatigué de ma journée ratée, j’ai tout rangé pour libérer la salle de bain. Vers deux heures du matin, j’ai tout remis en place pour réaliser ma première image. Ne trouvant pas le sommeil, je cherchais à comprendre et ce fut un « euréka » libérateur.
Mon histoire avec la photo venait de débuter. J’ai exploré le paysage puis les portraits et la macrophotographie passant progressivement du noir et blanc à la couleur. Un long parcours qui a débuté en 1976 et toujours en tâtonnant. Je n’ai jamais cherché à me perfectionner sérieusement, je préfère l’artisanal basique.
Il y a un peu plus d’un an, je me suis passionné pour la transformation des images. J’ai intitulé cette nouvelle étape « Métamorphoses ». Je démarre souvent d’une image banale sans grand intérêt. Je procède par transformations successives sans savoir où elles me conduiront. Une, deux, trois, dix transformations et je stoppe dès que la nouvelle image a partiellement ou totalement éclipsé l’original, souvent impossible à retrouver. La nouvelle photo est inédite et parle d’une autre chose.
Hier, je regardais un cliché tristounet, sans grand intérêt sinon celui d’expliquer un fait naturel, une image qui ne vous fait pas sauter au plafond.
Chemin faisant, je me suis retrouvé au cœur de l’île d’Hokkaïdo à Biei, un bourg rural, un joli village aux collines fleuries avec son lac d’un bleu intense, entouré de hautes montagnes. Dans une grotte nichée au cœur de la luxuriante végétation, j’ai eu la chance de voir apparaitre un personnage nippon au sourire typique du pays du soleil levant.
En poussant un peu plus loin, le même personnage asiatique faisait un clin d’œil à la Corse en tissant autour de lui un halo suggérant l’île de Beauté.
En tombant nez à nez avec un tabernacle et son ciboire caché, vous avez une idée possible de l’image originale.
Voyez-vous, c’est en photographiant cette noix en très mauvais état sur sa branche que l’on obtient ces métamorphoses qui racontent une autre histoire.
Je n’en suis qu’à mes premiers balbutiements. Ces images sont celles de l’exploration du jour, ce n’est pas ma meilleure réussite, je ne désespère pas de faire beaucoup mieux. On ne sait jamais à l’avance quelle image donnera le meilleur d’elle même, ce sont souvent les plus banales, les plus insignifiantes qui conduisent à de divines surprises. Il faut beaucoup tâtonner, à l’usage on comprend très vite si la pioche est bonne ou s’il vaut mieux passer à autre chose…