Il fait un temps estival. Trop estival pour un mois d’octobre naissant.
Les arbres sont fatigués, ils n’en peuvent plus de recevoir les flèches râdines (de râ) qui n’ont cessé de les griller durant l’été. Les feuillages se ratatinent, les brous du noyer devenus noirs sont nécrosés. La coque de la noix est percée, béante, elle imite « Le cri » de Munch. L’horreur, l’effroi, se dégagent de sa béance torturée. II n’y aura presque pas un fruit sain cette année, 90% de la récolte est compromise, l’année semblait pourtant prometteuse en début d’été.
Je n’entendrai pas le vent qui compte ses noix dans la nuit agitée. L’année dernière, il secouait vigoureusement les branches. Elles fouettaient l’air, s’entrechoquaient. Le hérisson comptait avec Eole, et jouait avec lui : « Ploc ! ploc ! ploc ploc ! » Et de quatre disait-il en se méfiant de la cinquième qui pourrait bien choir sur le bout de son nez pointu, humide et sensible. Il riait avec la tortue qui faisait office de tam-tam avec sa carapace : Tac tac ! Deux bruits secs. Encore deux !
L’escargot n’était pas à la fête, sa coquille est trop fragile, elle ne résisterait pas au choc avec la grosse goutte ligneuse tombée du noyer. Le petit gris se tenait à l’écart et préférait s’abriter sous le cerisier qui a perdu ses bigarreaux depuis belle lurette.
C’est le hibou qui bouboulait le compte. Il avait chaussé ses lorgnons à cheval sur son bec pour cocher son calepin. Il gonflait ses plumes pour bloquer sa respiration lorsqu’une rafale plus vigoureuse envoyait valser les noix par dizaines. La chouette riait en voyant le moyen duc cocher « à la va vite » pour ne pas se tromper dans son comptage. « Tu en as oublié trois ! » Ululait-elle en éclatant de rire. Il n’allait tout de même pas recompter, c’était impossible de vérifier !
La nuit était agitée, à la fois pluvieuse et ventée. Les nuages couraient, la lune clignotait au rythme du passage des cumulus pas encore nimbus. Ils étaient bus célestes plus simplement. Ah, la belle année !
Cet automne, les bourrasques feront du vent, inutiles, elles ne serviront qu’à faire claquer les volets des imprudents qui oublient de les fermer. Les noix tomberont toutes seules dans une grande tristesse.
Le raisin tarde à murir, il a pourtant plein de bonne volonté. Il est encore acide sous la dent.
Les brugnons menaçaient de pourrir et quelques figues oubliées trainaient au frigo. Ces fruits là ne seront pas perdus, j’en ai fait une compote. Elle était délicieuse, j’en fermais les yeux tant elle était presque pâte de fruits en voyageant sur les papilles. Je vous assure, elle était sucrée, presque trop, alors qu’elle a cuit totalement nature, sans saccharose.
Pour sûr, ces fruits-là n’étaient pas encore perdus.
Le noyer a promis de faire mieux l’année prochaine. Peut-être l’an 2020 sera année de tous les records. Un temps normalisé, des fruitiers à la fête et le noyer prêt à s’amuser avec la faune du jardin dans les nuits de l’octobre prochain.
Ploc ! Ploc ! Ploc ploc, ploc ploc, ploc ploc ! Du calme ! Le hibou ne parvient plus à compter, vous entendez le hérisson qui rit et la tortue qui rauque aux éclats ?
Allez savoir ! Cela pourrait bien arriver…