I siclisti di San Larenzu. (Les cyclistes de la Saint Laurent)

Chez nous on dit « i siclisti », c’est une variante locale de « ciclisti ».

En commençant ce récit, je n’ai pu éviter de penser à Antoine Marchetti de Porto-Vecchio. Nous nous étions connus au lycée de Sartène et rivalisions d’anecdotes, lui pour la partie plaine et moi l’Alta Rocca. C’était un réel plaisir, le soir au dortoir, moins souvent dans la cour car nous jouions au foot ou au sou troué dont Claude Papi était le pape.
Ce fut une belle époque, des amitiés se sont nouées entre montagnards et jeunes du littoral. Quant à moi, j’eus l’explication de la raclée infligée à la team lévianaise par l’équipe porto-vecchiaise en USEP. Un mémorable 8 à 0, enfin élucidé en jouant avec eux. (Les détails de cette défaite sont retracés dans le texte « Capitaine de naufrage »).
Antoine racontait surtout des histoires de cyclisme, il était intarissable sur le sujet. Je me souviens de l’une d’entre-elles : Un cycliste amateur local, très amateur, narrait qu’un matin pour pour patienter en attendant que son café refroidisse un peu, s’en était allé faire un tour à vélo. Il avait oublié le temps lorsqu’il s’avisa de demander à une personne sur un trottoir  » O donna ! U Cataraghju hè luntanu ? U Cataraghu, hou ! hè dighjà beddu passatu ! » Le cycliste fit demi-tour et rentrant chez lui avoua à ses interlocuteurs : « U caffè era sempri caldu ! »
Voilà, pour le souvenir de notre sympathique ami.

Il y a belle lurette que l’on n’a vu une course cycliste dans nos villages. Dans les années soixante lorsque la Saint Laurent battait son plein à Lévie, la course de vélos était incontournable. Les parcours variaient selon les années, parfois en circuit par la montagne, direction Serra et retour au village par Tallano, parfois des allers/retours Zonza Lévie Tallano et d’autres années, une incursion vers Carbini. Le tracer était toujours très varié mais avantageait surtout les grimpeurs. Ceux-ci prenaient le large dès que la pente se faisait plus rude, il était presque impossible de les rattraper.

A ce jeu Subreru était le plus fort. Un gars taillé pour être grimpeur, une sorte de Bahamontes nustrale. Dès qu’il participait à la course lévianaise au profil tourmenté, nous étions sûr qu’il franchirait la ligne en vainqueur. Petit homme remarquable avec son casque à boudins, son bras gauche (ou droit, je ne sais plus) nettement plus court que l’autre, sa concentration légendaire, nous ne pouvions le louper. Il ne s’éparpillait jamais en futilités pour amuser la galerie, il était là pour gagner. Avec sa présence, aucune arrivée ne se déroulait au sprint, il était toujours détaché, loin devant les autres.

Avant sa période sans partage, il y eut celle de coureurs populaires, très applaudis dans le déballage final. On les annonçait dès qu’ils apparaissaient dans le virage de la Pergola à une centaine de mètres de l’arrivée devant la fontaine de Vichy.  Un sprint très disputé entre Cisarughju et Fanfan Bartoli. « Ci sò, Cisarughju et Fanfan » (Petit César et Fanfan) s’écriait ceux postés dans le dernier tournant. Deux physiques opposés, l’un petit et menu, l’autre beaucoup plus athlétique et puissant. La foule était aux anges, ces deux là, très attendus faisaient l’admiration des spectateurs friands de ce genre d’arrivée, au moulinage accéléré à la force du mollet.

Une année, un sarde nommé Porcu sema le doute dans le peloton et dans la foule. On ne parlait que de cet inconnu annoncé comme un casse-cou capable de coups d’éclats. Il prenait des risques inconsidérés dans les descentes pour rattraper le temps perdu en escaladant les parties montagneuses. La première année qu’il fit son apparition chez nous, il avait refait son retard dans la descente vers Carbini, et voulant creuser l’écart pour garder son avance au retour, il fonça à tombeau ouvert – « Falaia à tintina tapata », disait-on – prenant les virages en frisant la catastrophe à chaque fois. Il ne connaissait pas le parcours, et selon les dires des suiveurs, il fila tout droit en vol plané dans un virage pour atterrit quelques dizaines de mètres plus bas sur un chêne.
Je ne l’ai revu qu’une autre fois par ici, sans doute rebuté par le profil trop tourmenté pour ses aptitudes.

Le plus populaire de tous, et le plus assidu aussi, fut Raymond Giovanangeli. Pour rien au monde, il n’aurait manqué le rendez-vous annuel. Un gars fort sympathique mais qui n’a jamais rien gagné par ici. Il était taillé pour des parcours moins vallonnés mais restait fidèle à la course de la Saint Laurent. Très souvent, il abandonnait. Il adorait se fondre dans la foule tirant le vélo à son flanc, les lèvres blanches d’écume et le regard perdu dans le vague, on aurait dit qu’il recherchait ce bain de foule. Les gens, l’interrogeaient sur les raisons de son abandon, il s’éternisait sur les péripéties qu’il venait de subir. Il avait le don du récit, épatant son monde qui plaignait le malchanceux car souvent son abandon était, à ses dires, provoqué par une ou plusieurs crevaisons. Ce scenario revenait souvent, sa carrière se prolongea, un personnage très attachant que tout le monde aimait. Une année sans Raymond était inconcevable, comme une mascotte, une présence très attendue par le public local.
Il portait un maillot rouge vif, on ne pouvait le louper.

C’est une vieille histoire qui n’intéressera personne aujourd’hui, j’ai tenté cette évocation pour les gens qui ont connu cette période. Bientôt, il ne restera plus rien de ces jours de fêtes patronales. Evidemment, ce sont des souvenirs avec tout un cortège possible d’imprécisions et sans doute d’oublis.

Le critérium international traverse le village de Lévie.

Pour les amis porto-vecchiais.
J’ai déjà largement diffusé une photo avec Claude Papi, en voici une autre avec Paupaul Decortes en train de servir le champagne au réfectoire du Lycée Clémenceau.

François Nicalaï, moi, Raymond Dominati (médecin dcd), Claude Peretti (médecin dcd), Paupaul Decortes et Jean Luc Santoni

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