Deux blondinettes aux yeux bleus ont débarqué de Vendée.
Cela faisait deux ans qu’on ne les avait vues. Elles avaient été préparées à la visite en Aratasca, elles n’ont marqué aucune hésitation.
Ce midi, j’étais de cuisine, pas étonnant, diront ceux qui me connaissent, je vais mourir en mangeant … Fanchon, la plus petite surgit en courant et dit : « Missiau, j’ai envie de t’aider ! » Dans son élan, elle était prête à attraper n’importe quel plat…
En entrée du caviar d’aubergines blanches du jardin, de l’oignon rouge local et des pois chiches, huile d’olive, sel, poivre et cumin. Puis, pâtes au jus de gambas, tomates cerises de la cour et parmesan. Tout le monde était muet, ça mâchait en silence. Bon signe. Ce soir, beignets de courgettes, je tente une nouvelle recette. Je vous dirai, si ça vaut la friture.
Fanchounette comme l’appelle sa minna sourit tout le temps. Margault, la plus grande des deux est plus sur la réserve. Elle observe et ne dit rien. Elle sourit parfois et s’engage si elle sent la confiance. La première visite au poulailler a été un peu chaotique. Elle est descendue en claquettes et deux poules l’ont chahutée faisant mine et même plus de picorer ses orteils. Elle n’est pas habituée. Elle pensait que les poules c’est mignon, docile et que cela aime les enfants. Figurez-vous que la blanche insistait et tapait fermement de son bec sur les doigts de pieds. Bon, il a fallu filer et sortir de l’enclos prestement. C’était hier, son premier jour ici.
« Missiau, on va voir les poules ? » Me lançait-elle après le repas de midi. Je la vois arriver blindée, elle a chaussé les bottes de sa cousine Anna Livia qui a le même âge qu’elle. Elle paraissait rassurée, ses orteils sont à l’abri. Nous avons pu faire plus ample connaissance avec le monde de la basse-cour sans être importunés. Imaginez la joie en découvrant du cinq sur cinq, carton plein au pondoir ! Et en plus c’est elle qui a daté les œufs au crayon à papier ! Cela vous parait dérisoire, détrompez-vous, c’est d’une importance capitale pour des jeunes enfants de faire un séjour chez les grands-parents à la campagne. C’est là qu’ils chargent leur mémoire et leur affect. Un capital affectif et des connaissances pour plus tard.
« Vous avez déjà vu des pommes de terre sous terre ? » J’avais gardé un pied pour elles, pour l’arracher en leur présence. Elles ont vu des pommes de terre, en terre, pour la première fois. Elles avaient germé, ce fut l’occasion d’une petite leçon de choses, demain, nous les planterons et vers Noël, je prendrai des photos pour leur montrer l’évolution de leur plantation.
Voilà les choses de la vie. Des choses simples, des attentions, des sourires, des explications aussi et puis un jour : « Tu te souviens de Missiau ? C’était chouette ! »
La vie c’est ça, se souvenir des siens, de ceux qui vous ont précédé et qui ont laissé la trace, un bout de racine toujours bien enfouie par ici. Aratasca, elles s’en souviendront. Les étoiles qui scintillent, je leur ai montré l’endroit où je serai. Là-haut, là où l’on vit encore dans la mémoire des tous petits devenus grands et qui vous guettent sans rien dire… �|
C’est bien.