
Peut-être ne l’avez-vous jamais entendu car comme la douleur de la banane que l’on tranche en rondelles, le radis noir est aphone. On le devine à la crispation de sa bouche tordue qui cherche à exprimer son pretium doloris (Prix de la douleur), hélas il n’a pas de cordes vocales et ne peut être entendu par les tribunaux. Ce n’est qu’un vulgaire raphanus savitus de la famille des brassicacées et les bras cassés on ne les écoute pas, on les dédaigne, fi !
Le chant du coq, lui, est fort audible et casse les oreilles citadines dès la fraîcheur matinale. Vous l’entendez : Cocoricooo ! Il réveille la basse-cour et le pauvre citadin de surcroît. Habitué au bruit des camions bennes des éboueurs et des poubelles qui sonnent creux entre minuit et l’aube selon les endroits, l’homme des villes n’aime pas changer de musique.
Les cigales, plus respectueuses, ne sont pas si matinales, elles attendent l’heure de la sieste, les grenouilles et les grillons préfèrent la nuit, heureusement, les étoiles sont silencieuses. En si grand nombre, elles pourraient crever les tympans.
L’affaire du coq Maurice passait par le prétoire. Il y a toujours des gens sérieux pour plaider contre nature. L’escargot est trop lent, la limace trop molle, l’araignée trop du soir ou du matin, à midi on n’en parle pas, on déjeune.
J’imagine Maurice, soi-même, passant devant le juge.
- Coq Maurice, qu’avez-vous à dire pour votre défense ?
- Monsieur le Président, avec tout le respect que je vous doigt, je m’appelle Maurice le Coq de la Haute Basse-Cour. J’ai sous ma protection toute une flopée de poulettes qui sommeillent perchées sans se soucier qu’il est l’heure de nettoyer le poulailler. Faut-il que je retarde mon appel d’une heure ou deux, ou faut-il changer les heures d’été ? Monsieur le président, je mène ma tâche tambour battant, voyez le mal que vous avez avec tous ces justiciables qui ne sont point fiables ! Sans mes ‘coqs et ricos’ ce serait l’anarchie proclamée. Que vouliez vous que je fisse lorsque lourd sommeil et paresse dominaient poules et poulettes au lever du soleil ?
- Que vous crissassiez un peu moins fort, épargniez les fragiles esgourdes du sieur ci-plaignant. Cela vous eut enchanté qu’il vinsse vous chauffer les tympans à minuit tapante ?
- A minuit ? Il préfère se prélasser devant la télé, croyez-vous qu’il puisse courir jusqu’à moi en tongs ou claquettes ? Il n’est point hardi à se défendre tout seul, le tribunal est bien mieux indiqué pour son vice procédurier…
- …
- Après délibération du tribunal, la cour vous condamne à éluder le ‘rico’ de vos cocoricos. Désormais vous crirez deux ‘co’ pour un coco, pas un de plus ! Vous avez deux mois de mise à l’épreuve, en cas de récidive, nous castrerons le plaignant ! (Applaudissements dans la salle)
Le coq ravi, ne pu se retenir de trompeter son cocorico triomphant : « ce n’est point matinal M. le Président, permettez que je vérifie mes gammes ! »
Le monde est devenu fou. L’homme est bien capable de légiférer contre les cigales. Elles n’appartiennent à personne et à défaut de coupable, condamnera les oliviers. Que font-ils là, si près des maisons ?
Sans doute, le monde a-t-il choisi d’emmerder le monde ! Ce gros mot qui vient de m’échapper mérite bien de figurer en si bonne place.
Semu imbambuliti ! (Nous sommes devenus fous !)