Sur l’image prise ce soir à la tombée de la nuit, on voit bien le rocher.
J’avais eu l’outrecuidance de faire un rêve, un beau rêve, celui de rencontrer Dieu derrière un rocher à Cacareddu, la colline de mon enfance. C’est lui qui m’avait donné rendez-vous, je vous jure, je n’avais rien demandé. Il m’attendait en tenue blanche, sans barbe, totalement glabre, ce qui m’avait fortement étonné. J’y étais à l’heure précise sans savoir qui m’avait invité à venir jusque-là. Les rêves c’est comme ça, tout baigne ou roule sur des roulettes bien huilées sinon c’est un cauchemar. Il avait l’air calme et amical mais semblait très pressé, sans doute avait-il d’autres chats à fouetter. Quoique, je me demande bien ce qu’un Dieu gagne à fouetter des chats ou à soulager ma conscience. C’était un rêve vous disais-je, on peut s’inventer un divin cool, relax pour perdre son temps avec moi, à sa guise, un jour de relâche. Il m’avait consacré quelques minutes pour que je lui pose mes questions. Le rêve peut être une porte ouverte sur le paradis.
Je lui avais fait part de mes doutes, c’est normal pour un agnostique, le doute est son fond de commerce. Il ne dit jamais non, ni oui, il ne sait pas et laisse courir le poisson dans l’eau, il verra plus tard, si plus tard il y a dans une autre vie. Il met son temps en roue libre sans s’occuper des choses qui ne le regardent pas, je veux dire des choses métaphysiques qui le dépassent et surpassent son entendement. C’est d’ailleurs sur ce registre que j’ai insisté en lui rappelant le pari de Pascal qui, pour une fois en ce qui concerne ce personnage illustre, est la plus grosse arnaque de tous les temps et ne mérite pas les commentaires ébahis qu’on lui réserve.
En précisant que personne, croyant, athée ou agnostique, ne sait rien, il propose l’idée suivante :
Dès lors, supposons que nous ayons parié pour l’existence de Dieu : “Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans hésiter”.
Il propose au non croyant de croire que Dieu existe, mais par pur intérêt. J’ai donc questionné Dieu : « Puisque vous êtes tout puissant, vous savez instantanément qui croit en vous par intérêt et qui est sincère et sans calcul ? Ça n’a pas la même valeur n’est-ce pas ? » Il m’a donné raison, en disant qu’il tirait les oreilles à ceux qui ont cru faussement, juste par intérêt mais c’est tout, pas de punition.
Et moi alors ? Lui dis-je. Eh bien tu fais ce que tu peux aussi, ce que ton entendement te permet de penser, alors ne t’inquiète pas, à ton arrivée, je viendrai te tirer les oreilles, gentiment, sans forcer, juste pour te montrer que je t’ai vu passer… » Finalement, il ne s’est pas trop attardé, le fond des choses était clair avec cette rencontre. Ses derniers mots furent : « Comprendre Dieu, c’est se hisser à sa hauteur, c’est impossible pour les humains. Qu’on me prie à genou, qu’on me loue ou glorifie ne m’apporte rien, je suis au-dessus de ces états d’âme et des sentiments… Allez file et vis ! »
Ce n’était qu’un rêve, je n’ai rien demandé. Ma plus grande faute fut d’avoir crucifié brutalement le moustique posé sur ma cuisse, qui m’a réveillé en piquant la partie la plus charnue de mon corps. Venir sucer le sang des humains, c’est son métier et surtout assurer sa survie. Avec toutes ces choses-là, on n’en sort plus, on ne sait plus sur quel pied danser. Je préfère m’occuper de mes affaires déjà suffisamment compliquées à gérer.
J’ai reçu une longue lettre venue d’Afrique, je ne savais pas que mon blog était suivi si loin de Cacareddu. L’auteur de la lettre m’a tiré les oreilles bien plus fort que la promesse du Dieu de mon rêve. Il m’a assuré qu’il le connaissait parfaitement et m’invitait à aller dans son pays pour me le prouver. J’avais fait un rêve, lui était touché par la grâce divine. Heureux homme, les voyages lointains coûtent chers et le rendez-vous africain n’est peut-être qu’un lapin. Je préfère rester là où je suis…
J’aurais dû mettre un cierge sur le rocher de ma colline pour me faire pardonner, Cacareddu vaut sans doute une messe, il n’y a que cet endroit pour faire des belles rencontres. Vous ne croyez pas ?