« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée. » Descartes- Le discours de la méthode.
La brindille.
Si le bon sens est la chose la mieux partagée au monde, pourquoi n’arrive-t-on pas à se mettre d’accord ou à aboutir au même résultat après « analyse » ? C’est simplement que chacun applique sa méthode sans s’interroger sur le bien-fondé de ses arguments, de ses cheminements personnels qui ne font aucune place à l’objectivité. D’ailleurs, il suffit d’écouter certaines explications qui n’en sont pas. Il est courant d’entendre quelqu’un affirmer « Je suis persuadé que… », en croyant qu’il assène une vérité. C’est une affaire de langage et d’usage du bon mot. Etre persuadé n’a jamais fait d’une personne le détenteur du vrai, ni du juste. C’est un avis très personnel. Etre persuadé signifie impliquer fortement ses émotions, ses croyances, sans s’interroger un instant sur la validité des méthodes employées. Chacun pense conduire la bonne analyse, même lorsqu’il n’analyse rien, qui vise bien et voit juste. Etre persuadé c’est avouer sans le savoir, sa subjectivité. En revanche être convaincu implique que l’on a analysé les éléments en toute objectivité sans se laisser embarquer dans des états d’âme qui conduisent à une vision personnelle des faits et non tels qu’ils méritent d’être connus dans leur réalité. Persuadé ou convaincu, là est toute la différence entre le croire et le savoir, entre la passion et la sérénité, entre l’aveuglement et le regard averti.
L’esprit critique est la capacité d’analyser, de prendre en compte tous les éléments présents, visibles ou cachés, avant de donner un avis. Ce qui signifie avoir atteint, à minima, l’esprit scientifique et parfois même avoir atteint la pensée mathématique. Le philosophe Gaston Bachelard avait bien résumé l’affaire en un célèbre aphorisme, montrant combien il est difficile de parvenir au regard tranquille.
« L’esprit scientifique doit se former contre ce qui est en nous et hors de nous, l’impulsion et l’instruction de la nature. »
Atteindre l’esprit scientifique n’est pas une mince affaire donnée à tous. C’est un combat lucide à mener sur deux fronts. Celui de qui est en nous, l’impulsion de la nature, notre nature, c’est-à-dire combattre nos vues de l’esprit, notre anthropomorphisme qui nous conduit à voir les choses déformées par l’égocentrisme. Combattre également, hors de nous, l’instruction de la nature, c’est-à-dire le spectacle parfois trompeur qu’elle nous offre. Comment savoir qu’un clou qui rouille, un corps qui respire, une bougie qui brûle répondent à la même loi de l’oxydation qu’elle soit lente ou rapide, si on se fie aux apparences ? Ne pas se fier aux apparences est sans doute le plus difficile à réaliser.
Si le bon sens est la chose au monde la mieux partagée, on ne le confirme guère en cheminant à notre guise, à notre image.
Aujourd’hui, c’est l’esprit de critique, l’exact contraire de l’esprit critique, qui gagne le monde. Il s’agit d’une propension à donner des avis sur tout, sans jamais prendre la moindre précaution d’analyse en croyant qu’il suffit de proposer ses états d’âmes pour être dans le vrai. On se fie aux apparences sans prendre le temps de réfléchir, en réaction immédiate et émotionnelle du vu ou de l’entendu. Cela est devenu monnaie courante et met la démocratie en danger. Les réseaux sociaux en sont à la fois les révélateurs et les pourvoyeurs. Avec la critique facile, on balance à tout va des quantités incroyables d’approximations, d’états d’âme, d’inexactitudes, de contre-vérités. L’information du faux a pris le pas sur celle du réel dans une variété d’expressions qui s’étend de plus en plus.
Une image résume parfaitement la situation. Un enfant asiatique face contre terre plaquée par une botte exprime sa douleur. Un flot d’injures envahit le site, de fortes indignations l’inondent. Plus tard, un plan élargi montre l’enfant souriant, le bras glissé dans la botte qu’il fait mine d’appuyer sur son visage. C’est la dictature de l’image tronquée, de l’info déversée sur la toile à la seconde près, qui invitent sournoisement les gens à réagir sur le champ sans le moindre recul.
Le danger est immense. Ceux qui prennent le temps de s’informer avant de porter avis, les moins nombreux, sont les nouveaux fous et risquent fort d’être lynchés ou internés. On comprend mieux, le risque est grand…
Certes, je n’ai pas inventé la poudre explosive muette mais je m’intéresse. Comme « u ciociu » (le hibou) regarde tantôt à droite, tantôt à gauche, semble s’intéresser aux choses qui l’entourent. C’est déjà ça…
Quelle est cette abeille charbonnière qui semble se balancer sous une fleur de jasmin ? Il faut ouvrir l’œil et se pencher un instant pour voir que l’araignée crabe était postée là, à l’affut d’une proie imprudente. Cela s’appelle le mimétisme.
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La rainette se cache dans le vert ambiant.
La mante religieuse est étonnée de me voir à plat ventre de si bon matin pour l’espionner dans les herbes mouillées.
Et ce grillon si bien camouflé, comment voir ce monde avec un regard distrait ?