Les textes Picasso.

Je ne connais Luce qu’à travers ses écrits que j’ai découverts en entrant dans un endroit qui me paraissait secret et mystérieux à la fois. Un site d’écrivains qui promènent leurs plumes ou pianotent sur leur clavier pour refléter le temps. Je m’y rendais sans prendre rendez-vous, je m’y glissais discrètement, incognito le plus souvent pour ne pas déranger ce qui me semblait culture de l’entre-soi. Je déambulais à travers textes divers et envolés. L’écriture y est toujours de bonne facture, de haute et souvent de très haute tenue. J’avais l’impression de traverser une galerie lumineuse mais calme dans laquelle stationnaient, çà et là, des petits groupes de personnes, le plus souvent par deux. Un verre de champagne à la main, un thé peut-être, ces gens commentaient leurs écrits respectifs avec la plus grande délicatesse en se renvoyant force compliments. J’ai osé une fois, donner un avis trop présomptueux aux yeux de l’auteur… Il a failli m’en cuire. Pourtant, je prends facilement des pincettes et reste mesuré. Que faisais-je là à troubler une onde si pure ? Certes, je ne leur arrive pas à la cheville, c’est dire si je suis bien bas. Pouf ! Petits coups secs sur les doigts… Madame la marquise en était toute offensée… Vous imaginez, j’ai bien poliment répondu. Re-pouf ! On ne veut pas de ça ici, ma réponse ne fut pas publiée. Censuré ! Dit-on ordinairement. J’y retourne de temps en temps car l’écriture est bonne mais je m’y présente toujours en catimini, en totale transparence et totalement muet. Le risque est trop grand de recevoir une étymologie bien sentie en pleine figure pour fustiger vos mots…

J’avais repéré en longeant le couloir, une personne brune à l’allure de déesse. C’était la pimpante Luce, c’est ainsi que je la perçus sans la connaître. Cela reste une impression, une image. Artiste peintre et décoratrice, j’ai découvert ses textes toboggans vertigineux, ses textes Picasso. Cela m’a frappé l’esprit presque instantanément, c’est ainsi que je qualifiai du premier coup ses écrits qui n’avaient rien de commun avec ceux des autres. On entre dans ses lignes comme on visite un tableau de Pablo. Les traits sont forts et intrigants. Ils exercent une puissance qu’on ne trouve nulle part ailleurs. On est mené par le bout du nez à pénétrer dans la beauté des envolées, la puissance des mots, la vivacité des métaphores, les virées dans la mythologie, les descentes vers des racines profondes qui supportent encore un arbre au feuillage resplendissant et aux fleurs parfumées de fragrances alizées, parfois zéphyrs ou siroccos. Le mistral vient quelques fois pousser une soufflante puis tout valdinguer sur son passage. Le calme et la tempête. Le doux, le chaud et le froid. Partout, de l’exotisme à l’odeur d’encens, des goûts d’agrumes vifs, de dattes, de sucre aussi et même de sucre vanillé, safrané… Un survol de la Méditerranée, un voyage rempli de sensations fortement iodées…

On reste un long moment collé sur cette force qui vous prend et ne vous lâche plus. C’est beau. On le sent. On le sait. On cherche, on fronce la glabelle*… Le mystère reste entier, très puissant. Une énigme à chaque fois. On s’interroge. On demeure coi, on ferme les yeux et puis on file avec le sentiment d’une beauté magique dont il ne faut surtout pas percer le secret. Le secret est en elle. Elle est le secret. Comme les tableaux du célèbre peintre espagnol, ses textes sont des œuvres d’art contemporain et très ancien à la fois, des harmonies abstraites que tout le monde admire, et très peu s’aventurent à les décrypter. On n’explique pas la beauté des choses, on regarde et on se tait.
C’est pourquoi, un jour, j’ai écrit sous l’un de ses bijoux :
« Chère Luce, j’adore vos textes Picasso ! »

* « Froncer la glabelle » est une expression inédite qui m’a échappé en écrivant ce texte. La glabelle est l’espace glabre au-dessus du nez entre les sourcils. Froncer la glabelle signifiera désormais « réfléchir ».

Une année, elle avait repris une de mes images, c’était un brou de noix prêt à lâcher prise que j’avais intitulé « Le brou béant ». Cela avait l’air de l’amuser. Voici, ce qu’on peut faire avec un brou béant. On reconnaît la coiffure en brou et le visage, la noix…
(Cliquez sur l’image)

2 Comments

  1. Quelle voltige !!!! l’éloge a l’écriture de luce nous envoi valdinguer de ci de là.

  2. Voilà ce qui se passe quand du fond de son Berry réinventé une inconnue qui se prenait pour un écrivain errant sur les somment des aiguilles de Bavella créa le hasard d’ une rencontre avec un sage de Lévie . Ce fut le début d’ une histoire de mots cassés, recollés, et finalement réinventés pour le plus grand bonheur de l ‘audacieuse qui reçut en ce premier jour de l’an 2018 ce jour un honneur et un petit coup au coeur .

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