Jour de farniente: Chi posa pensa ventu ( L’oisif pense du vent)
Soudain, novembre s’est souvenu qu’il était temps de souffler une bouffée de fraîcheur avec quelques bassines d’eau balancées par une escouade de nuages lourds. Rien à faire dehors. La journée s’est traînée en longueur, le fauteuil et les chaises ont souffert un peu plus que d’ordinaire. C’était jour oiseux à faire des « va et vient » de Facebook à la cheminée, distants de quelques pas seulement.
J’étais affalé dans le fauteuil près du feu à glander, les doigts croisés sur le ventre comme on prend du repos. C’est très significatif comme geste, presque une attitude universelle inévitable lorsqu’on flotte entre rêve et pensée. L’esprit patine, ne voit rien venir, ne produit que dalle, que du vide. Même pas de l’ennui puisqu’on surnage entre assoupissement contrôlé et divagation idéelle légère, très légère. Comme un état « j’erre » que seule une mouche complètement désœuvrée vient perturber systématiquement, à fréquence presque calculée, en se posant sur le bout du nez. Elle se pique au jeu en revenant inlassablement à la charge, vous laisse croire un instant qu’elle est allée voir ailleurs et puis vous chatouille l’oreille… A bout de nerfs, le risque est grand de vous claquer violemment la joue en cherchant à la chasser d’un geste brusque. Parfois, debout, vous vous surprenez à gesticuler, presque ridicule à donner des gifles dans le vide. Elle zigzague, fait quelques loopings juste sous le nez puis repart en rase nappe en frôlant la table basse à vos pieds. Elle virevolte, fait mine de bourdonner en forçant son battement d’ailes à près de deux cents à la seconde. Pas folle la bébête. Son cerveau est capable de détecter le danger en une fraction de seconde et l’éviter dans le même laps de temps. Finalement, j’ai sorti la raquette à tamis électrisé et là, je ne lui ai pas laissé trop de chances. Elle a crashé dans une fugitive gerbe d’étincelles. Je m’apprêtais à somnoler enfin mais c’était compter sans une autre fofolle sortie de nulle part qui me rejouait le même sketch. Je ne lui ai pas laissé le temps de faire sa comédie…
Le calme était rétabli, on aurait pu entendre d’autres mouches voler. Bien calé dans mon fauteuil, je paressais à nouveau dans une attitude d’oubli.
Très vite, réalisant cette position de farniente poussé à l’extrême, je fus assailli par un fou rire qui me secoua un bon bout de temps. L’image d’André Santini a bondi : « Quand je vois Raymond Barre roupiller à l’assemblée nationale et qu’il ne roupille pas, il se tourne les pouces et je me dis: tiens il fait son jogging. » Concomitamment, entre quinte de toux et rire irrépressible, je réalisai que j’avais oublié de faire mon jogging aussi. Un jogging cérébral et presque quotidien. Je réalisai que je n’avais rien écrit du tout de la journée. Alors faisant diversion, je me suis posté au clavier pour tenter quelques foulées à travers les neurones. Pas toujours facile de trouver la motivation, filer à travers bois, s’appuyer un instant contre un neurone pour chercher l’inspiration… J’avais envie de m’amuser, ce n’est pas nouveau.
Voilà comment me vint cette idée de titre « Jogging ». Moralité : Lorsqu’on a rien à dire et rien à faire, il y a toujours moyen de dire et de faire.
Bonne soirée, je vais dormir tranquille.