Difficile de croire que l’on puisse parler de la mort sans la craindre, surtout lorsque cela revient souvent.
Je suis bien placé pour en dire quelques mots car très souvent, si ce n’est le plus souvent, de nombreuses personnes pensent que j’ai un côté lugubre, quasiment morbide* et non mortifère, dans son sens authentique, c’est-à-dire un côté maladif à évoquer la mort. Maladif par son aspect répétitif presque redondant. Pourtant, je vous assure que je m’amuse, que j’adore évoquer l’après-vie puisqu’elle nous attend au bout de chaque pas sans révéler quel sera le dernier, celui fatal.
Même mes hiboux semblent perplexes. Je leur donne ici la parole en espérant que c’est encore un aspect de mon esprit facétieux qui préside. Je ne me lasse pas de cabrioler, de rouler-bouler de manière à toujours faire hésiter le lecteur ou l’interlocuteur entre lard et cochon. C’est donc mea culpa si je suis « mécompris* » mais je n’ai pas l’intention de changer pour ne pas perdre mon âme. Je la tiens encore.
Avec ma théorie des contrastes, plus j’évoque la mort, sans me prendre la tête croyez-moi, et plus j’ai envie d’aimer la vie. Je la traque dans ses moindres recoins de manière à en exprimer toute la substantifique moelle. Une image qui me vient à l’esprit chaque fois que j’aspire un os à moelle pour m’en délecter. C’est exactement ainsi que je la suçote, la mâchote, la froufroute entre langue et palais. Vous entendez ces vibrations légèrement bruyantes et frottées, très particulières ? « A surpulighju » comme on dit chez nous. Bref, j’adore la vie dans tous ses aspects avec l’ardeur et l’exagération d’un épicurien.
Nous sommes en pleine période de chrysanthèmes. Partout les pots fleurissent. Les tombes seront plus gaies dès la fin de la semaine. Je me suis amusé, une nouvelle fois, à pousser mon objectif au cœur des bouquets et à force de fouiller dans les astéracées, j’ai découvert où s’abritent les âmes. C’est dans ces couleurs et ce parfum caractéristique qu’elles s’évadent et vivent joyeusement chaque début de novembre. Des têtes, des visages, sont apparus souriants. On dirait que ces âmes en couleur se plaisent là où elles sont désormais… j’ai dû truquer pour les débusquer.
Mais qu’est-ce qu’il est encore allé chercher ?
Je vous l’ai dit, je ne cherche rien. Je vagabonde dans la vie, c’est ainsi que je m’amuse et reste vivant.
*Morbide=C’est un rappel, signifie qui a un caractère maladif, il est trop souvent confondu avec mortifère. Morbidité=maladie. D’autant plus facile à confondre lorsque, en outre, on suggère la peur de la mort.
Mécompris comme mâchoter, encore des mots inventés mais on comprend aisément ce que je veux dire.