Prosélytisme.

Même la lune cherche à mettre les points sur les i…

C’était un soir de pleine lune. La bonne humeur allait bon train sous la Zinella, le monde était joyeux. Chacun racontait son histoire avec plus ou moins de succès, JP attendait son heure. Je ne me doutais de rien, nous étions hilares, encouragés par Bacchus, le vin rouge succédait au rosé. Le hibou bouboulait, les grenouilles s’égosillaient, des éclats de rires soudains imposaient un silence momentané au rapace nocturne et aux batraciens qui animaient le bassin. Dans la fraîcheur de la nuit qui faisait suite à la canicule du jour, un filet de vent serpentait devant le mur comme s’il cherchait son chemin. Au passage, léger et hésitant, il caressait les visages épanouis, chargés de bonheur, aidés par les tchin tchin souvent renouvelés. Un peu trop peut-être.

JP était très croyant, fortement impliqué dans son église Baptiste. D’ordinaire, il n’en parlait pas. Ce soir-là, sachant depuis belle lurette que je suis agnostique, il profita d’une accalmie pour me lancer : « Je vais t’offrir une bible, tu la liras et tu verras que… » Je n’avais aucune intention de me plonger dans une telle lecture, le « penser par moi-même » me suffit largement, à mes risques et périls si j’ose dire. Constatant, après mon refus net,  qu’il n’avait aucune chance de me voir plonger dans le canal qui mène aux voies du seigneur, il m’assura qu’il allait prier pour moi.

Bien enlisé dans mon doute agnostique, j’ai renoncé à chercher à comprendre en matière de religions et encore moins à croire à des choses qui me dépassent totalement. C’est d’ailleurs toute la modestie de l’agnosticisme qui se manifeste ainsi : puisque, je ne peux m’élever à comprendre le divin, je reste à mon humble niveau sans nier, ni affirmer. C’est une manière de mettre l’idée en jachère en la reportant après la mort. On verra plus tard, pour l’heure j’ai à vivre, sans aucune crainte. Bref, je suis tranquille et je ne gêne en rien qui veut croire. A chacun son affaire. Je m’étais composé une sorte d’aphorisme pour caractériser mon agnosticisme. J’ai toujours pensé : Celui qui a intégré la notion de temps* ne se préoccupe plus du sens de la vie et se passe de l’idée de Dieu. Je suis venu, j’ai vu et je n’ai rien compris.

Pour qu’un dialogue soit constructif avec des chances d’aboutir sur une entente, il doit se fonder sur des postulats communs, des bases communes, admises et compréhensibles par tous. Or, croyant et non croyant ne parlent pas de la même chose. L’un se fonde sur le savoir et la logique du A est A, alors que l’autre pose le croire avec sa « logique du A » qui peut aussi être « non A ». On assiste forcément à un dialogue de sourds qu’il est inutile d’entamer.

Vous comprendrez pourquoi, à la suite de son affirmation « Je vais prier pour toi », il me restait la voie de la dérision, c’est-à-dire du n’importe quoi. C’est le seul moyen de mettre un terme à ce faux dialogue. Et voici comment j’ai dérivé.

  • Ah non, surtout ne prie pas pour moi, respecte ma non-croyance.
  • Je veux te sauver.
  • Au contraire, tu ne me sauveras pas en agissant ainsi. Si tu pries pour moi, il va te demander qui je suis. Depuis que je vis retiré ici, il m’a oublié. En lui rappelant mon nom, il va demander à Saint Pierre : « Tu te souviens du petit moustachu ? Vérifie sa date de départ en cherchant sur la liste ». Il est capable de changer d’avis et risque d’avancer l’appel. Alors surtout ne prie pas pour moi.

Certes, il n’a pas rigolé mais il a compris qu’il ne s’en sortirait pas cette fois-ci. Nous avons mis fin à cette discussion. Le lendemain, il est revenu présenter ses excuses et m’a fait un cadeau. Plus jamais nous ne parlâmes de Dieu et à chaque rencontre annuelle, nous passâmes de bons moments ensemble.

Sans doute, Dieu, s’il existe sait tout de moi, ce que je ferai demain ou dans un mois. Il m’accueillera à bras ouverts en rigolant ou ne se manifestera pas s’il a autre chose à faire. Je pense que ce mot « faire » ne lui convient nullement car le tout puissant n’a rien à faire. Les idées de surveillance, de péché, de punition, d’adoration… sont une invention de l’homme qui l’a affublé de tous ses sentiments et ressentiments. Comment peut-il être touché par la bêtise que je manifeste, lui qui est intouchable ?

« Nous irons tous au paradis », je veux bien croire Michel Polnareff.

*Intégrer la notion de temps=admettre que le temps incertain que nous avons à vivre ne nous permet pas d’aborder tous les sujets et surtout le plus ardu d’entre-eux, celui de Dieu. Pas un millimètre de vérité n’a été approché depuis que l’homme existe, en ce qui concerne l’idée du divin. Au fond, le pape n’est pas plus avancé que quiconque hormis sa croyance qui vaut celle des autres.

Elle hésite.

 

 

 

 

 

 

Serait-elle agnostique ? Non, elle s’amuse.(Cliquez sur les photos)
 

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