Baccala.

C’est la semaine du goût on dirait… C’est sorti comme ça.

La morue.

Lorsque j’étais enfant, les vendredis, jours de poisson, c’était morue. Pas toutes les semaines, mais dès que le porte-monnaie l’autorisait, on nous envoyait chez Traianina, Meloni ou Jany pour acheter du baccala. Le plat du pauvre était très apprécié par toute la famille, petits et grands en raffolaient.

Grand-mère savait varier le plat en l’accommodant de manières diverses. Tantôt frite jusqu’à croustiller après un passage rapide dans la farine, tantôt en accompagnement de haricots Soisson, cocos ou carbinesi cuits longuement dans une sauce tomate. Tomates fraîches l’été, ou avec du concentré (a cunserva) préparé en fin de saison avec des fruits bien mûrs, en prévision de l’hiver. J’ai un vague souvenir de cette confection. Les dernières « cœurs de bœuf » étaient coupées en quatre puis entreposées dans une jarre. Après quelques jours, légèrement moisies en surface et dégageant une odeur vinaigrée, elles étaient pressées et frottées dans un tamis afin d’obtenir une pâte rouge vif. Cette dernière était récoltée dans des serviettes nouées façon baluchon, ensuite suspendues à la treille pour assurer l’égouttage. Le concentré salé et garni de plusieurs feuilles de laurier se conservait dans des caquelons en argile cuite. Cette réserve permettait de tenir jusqu’aux prochaines tomates fraîches. Il suffisait d’une cuillère à soupe de cette purée pour assurer les divers ragouts hivernaux.
Les haricots secs, donc, mijotaient longuement dans leur sauce toujours légèrement aqueuse de manière à pocher la morue en fin de cuisson.
Quelques fois avec des frites ou avec des oignons confits, des pommes de terre, de l’ail, du persil, le poisson émietté et le mélange passait à la poêle pour une cuisson rapide. Le plus souvent, c’était morue à l’aïoli.

Le dessalage se faisait dans de grandes bassines ou carrément sous le tuyau qui alimentait le bassin.

Il m’arrive souvent de me replonger dans l’enfance avec la façon aïoli devenue un classique. C’est probablement la recette la plus rapide et la plus simple à réaliser. Les pommes de terre et les carottes cuisent très vite à la cocotte-minute et la morue doit impérativement être retirée dès le frémissement de l’eau. Le plus long reste donc la confection de l’aïoli.

La base est une mayonnaise avec de l’ail écrasé. Je m’amuse avec des variantes. J’ai longuement pilé ail et feuilles de persil dans un mortier jusqu’à obtenir une écrasée verte, j’ai réalisé ma mayonnaise directement  dans le creuset. Pour l’autre sauce, très peu d’ail, quelques filaments de safran qui assurent largement la couleur et du piment d’Espelette en poudre. Et c’est tout.

Je me suis souvenu de l’expression « Baccala per Corsica et morue pour continent* ». Juste un rappel, le récit n’a rien à voir avec le sens de l’expression puisqu’on trouve cette morue partout pour assurer le moindre coût. On m’avait conseillé la surgelée pour éviter le dessalage. J’ai remarqué en la déballant qu’elle avait fait un long voyage pour arriver au village. Elle venait de chine. Du Pacifique, elle a fait escale en Empire Céleste pour que des petites mains s’affairent puis a dû prendre un long courrier pour arriver jusqu’en métropole. Quelque temps de répit, direction la Corse pour finir dans un congélateur planqué dans le coin d’un magasin de village. Ouf ! Il était temps… et là, elle attend. Un si long périple pour quelques petits euros à la vente. Vous connaissez la chanson…  

Pauvrette, nous l’avions connue de bonne taille, en caque et salée. La voici chinoisée presque lessivée avec des arêtes de petit calibre, probablement une morue jeune déjà tronçonnée pour camoufler l’affaire, sans grand caractère, au goût neutre. Mais bon, l’aïoli n’était pas frelaté, il a sauvé le souvenir.

*Sens = Les mauvais produits pour la Corse  et les meilleurs pour le continent.
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