Croire et savoir sont deux verbes presqu’antinomiques. Comme le terme « morbide » ils sont, aussi, largement galvaudés.
Si je crois en Dieu ou en quelqu’un, si je crois ce que vous dites, je n’ai pas besoin de preuves. Je fais confiance, je mets mon côté Saint Thomas en sourdine. Tout cela est bien commode dans la vie, autrement elle serait impossible si, devant le moindre doute, il fallait preuve à l’appui.
Si je sais, c’est que j’ai la preuve. J’ai vécu, j’ai vu, j’ai touché… avec la marge d’erreur ou d’illusion qui accompagne toute approche des sens.
« Je crois que tu as raison » laisse planer le doute, l’inachevé, l’incertain. C’est du possible voire du probable mais pas la certitude.
« Je sais que tu as raison » ne laisse, à priori aucune place au doute. J’ai pesé, mesuré, calculé, pris en compte tous les éléments qui me permettent d’affirmer cela.
Evidemment, je parle de celui qui sait utiliser le sens des mots. Si j’utilise persuadé à la place de convaincu je sors du cadre que je viens de décrire.
« Croire et persuader » vont de pair comme « savoir et convaincre » pour bien mettre les choses à leur place.
Mais pourquoi toute cette explication ? Que cache-t-elle ?
Rien de bien grave… enfin pour nous, pas pour les protagonistes.
En écoutant et surtout en regardant parler Nafissatou Diallo sur l’écran télé, je me suis senti concerné par la persuasion bien plus que par la conviction. Je n’ai aucune preuve de rien, obligé d’écouter l’un ou l’autre. Les faits sont rapportés et non vécus. Et s’ils sont rapportés, ils ne sont plus les faits, mais ce que l’on en raconte.
Peu de chances que les faits soient rapportés au millimètre près, chacun ira de sa modification à son avantage, c’est humain, même et surtout, si c’est volontairement erroné.
Ainsi nous écoutons et cherchons à nous faire une idée. Une idée fausse et probablement jamais superposable à la réalité.
C’est là qu’intervient l’intime conviction…Pourtant, je suis persuadé que, je crois, mais je ne sais rien.
L’intime conviction est une expression juridique qui se fonde sur les éléments fournis lors d’un procès. Il n’y a pas de preuves formelles mais un tissu de données sur lesquelles il va falloir se faire une idée.
La conviction juridique semble plus lâche que la conviction scientifique puisqu’elle ne se fonde pas sur un savoir strict mais sur des éléments souvent disparates qui ne débouchent sur aucune certitude.
Plus j’écoute et plus je regarde Nafissatou et moins je la crois, alors que je n’ai aucune sympathie pour Dominique. C’est comme ça, c’est mon intime conviction qui pour coller à tout ce que je viens de dire, aurait dû s’appeler « l’intime persuasion »… puisque je n’ai aucune preuve pour penser cela.
Seule l’observation des gestes, mimiques et autres effets du visage, me conduit à penser cela avec toute la subjectivité qu’elle sous-tend.
Alors, pardon Madame Diallo si je me trompe lourdement. Je n’ai rien contre les femmes bien au contraire… Comment faire ?
Ne plus m’intéresser à cette affaire ? Ce serait la meilleure façon de ne pas se tromper.
Qui pourra dire un jour « Je sais » et en apporter la preuve formelle ? La suite de cette histoire nous y conduira peut-être.
L’intime conviction n’est qu’un pis-aller, un compromis bancal. Curieux, puisque cela se passe sur les bancs d’un tribunal apparemment stables…
Voir ou ne pas voir, savoir ou ne pas tout savoir, là est toute la question.